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C'était de Gaulle, tome 3

C'était de Gaulle, tome 3

Titel: C'était de Gaulle, tome 3 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Alain Peyrefitte
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Président viendrait ici avec les siens ?
    AP. — En quelque sorte ! »
    Johnson reprend, après un nouveau silence : « Tout ça va trop vite ! Trop vite ! Nous sommes un peuple de paysans. Nous ne changeons nos habitudes que lentement. Ce que vous me proposez, c'est une guerre-éclair. »
    L'état dans lequel cette perspective l'a mis m'empêche pour le moment d'insister. Quand Johnson reprend son souffle : « Il faut aller doucement, pas à pas, dit-il. Aussi loin qu'il faudra pour obtenir l'égalité. Mais en évitant de mettre en danger le Canada et à plus forte raison de le faire éclater. »
    Son état de santé, s'il le fallait, le confirmerait dans cette stratégie précautionneuse. Il lit et relit la lettre du Général que je viens de lui remettre. Il me recommande de ne pas la rendre publique, pas plus qu'il ne rendra publique sa réponse.
    Johnson : « Le Président va trop vite pour nous... il brûle les étapes. Si nous hâtons le pas comme il le souhaite, ce serait l'aventure. Tout va déjà trop vite ! Mon souci n'est pas d'accélérer, mais de ralentir.
    « Un sommet tous les six mois ? De Gaulle au Québec tous les ans ? (Il garde un instant le silence, tant cette idée seule le terrifie.)
    « Sa visite a fait progresser de vingt ans la position du Québec face au reste du Canada. Elle a fait naître aux yeux du monde le Québec, qui n'existait pas encore. Mais recommencer l'an prochain !... Ça a fait tant d'histoires avec Ottawa. Il vaut mieux commencer en envoyant le ministre de l'Éducation du Québec à Libreville. Ça fera moins d'histoires. (Il reprend son souffle.) Enfin, je vais réfléchir. Mais je vous en conjure, ne parlez de ça à personne ! À aucun de mes ministres ! Ils ne savent pas garder un secret. Les uns s'emballeraient, d'autres s'indigneraient, Ottawa en profiterait pour faire un drame ! »
    Je rassure le Premier ministre : c'est justement pour qu'il soit seul dans la confidence que j'ai demandé à le voir en tête à tête et qu'aucun de mes propres collaborateurs n'est au courant.
    J'aborde d'autres sujets pour lui laisser retrouver ses esprits, puis revenir doucement sur le projet.
    Je lui marque avec patience les progrès qu'a permis peu à peu le mécanisme de la coopération franco-allemande, en consolidant la réconciliation de deux pays si longtemps hostiles. « Un mécanisme semblable permettrait à deux communautés de même souche qui se sont ignorées pendant deux siècles, de faire des progrès aussi décisifs pour leurs retrouvailles.
    « Il n'est pas nécessaire de prendre tout de suite une décision pour fixer la périodicité des entretiens franco-québécois. Mais peut-être pourrait-on glisser, dans le protocole que nous allons signer, le principe de rencontres régulières au plus haut niveau 6 .
    « Vous pourriez rendre sa visite au Général l'hiver prochain ou au début de 1968. Vous déciderez alors tous les deux quelle suite il conviendra de donner à ce projet. »
    Daniel Johnson acquiesce. Il répète, comme pour s'excuser de sa pusillanimité : « Ça va trop vite ! Ça va trop vite !
    « Le Général est allé au-delà même de ce que nous souhaitions. Nous sommes favorables à un Québec fort dans un Canada uni. Un Canada dans lequel le Québec se sentira bien dans sa peau et où le besoin d'indépendance s'éteindra de lui-même. Nous voulons plus d'autonomie non pour aller vers la séparation, mais pour éviter la séparation. »

    « Il faut que je leur parle »
    14 septembre 1967.
    Le maire de Montréal, Drapeau, m'accueille au bas des marches de son Hôtel de Ville : « Je vais vous faire faire pas à pas le chemin qu'a parcouru M. de Gaulle 7 le 24 juillet. Je l'ai accueilli à sa descente de voiture. Nous avons gravi ce grand escalier. Je lui ai demandé s'il n'était pas fatigué de cette journée si dense et si émouvante. Il m'a répondu : " Pas du tout", comme si ce genre de parcours, au contraire, décuplait son énergie. Je l'ai amené dans mon bureau que voici, où je lui ai demandé de signer le livre d'or. Voyez, c'est là. Je vais vous demander de le signer à la page suivante (je m'exécute). Là-dessus, il m'a dit : "Il faut que je salue la foule." Je l'ai donc conduit au balcon, oui, ce balcon.
    « J'étais tranquille. J'avais insisté, quand les envoyés de l'Élysée étaient venus préparer le voyage, pour qu'il n'y ait pas de discours au balcon. Je savais que M. de Gaulle allait marcher sur des oeufs. J'avais peur

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