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C'était de Gaulle, tome 3

C'était de Gaulle, tome 3

Titel: C'était de Gaulle, tome 3 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Alain Peyrefitte
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faudrait en trouver une troisième : faire baisser la fièvre, pour qu'on puisse parler de choses raisonnables entre gens raisonnables.

    Fouchet : « On ne peut pas tenir à la fois les rues de Paris et les artichauts de Bretagne »
    Les heures passent. Fouchet, qui est venu me rejoindre au banc du gouvernement, est inquiet. Il me dit à l'oreille : « La manifestation qui va commencer au Quartier latin menace d'être violente.Les étudiants sont nombreux et très remontés. Mes troupes sont en nombre insuffisant. J'ai dû envoyer beaucoup de CRS et de mobiles dans tout l'Ouest 3 . On ne peut pas tenir à la fois les rues de Paris et les artichauts de Bretagne. Essayez d'éviter l'affrontement ce soir. Il faudrait que vous prononciez rapidement des paroles apaisantes. »

    Il a évidemment raison. Qui gagne temps gagne tout. J'ajoute aussitôt, en marge de l'exposé que j'ai préparé, une annonce rassurante :
    « L'objectif a toujours été la reprise rapide des cours. Mais il est clair que ce qu'il s'agit de reprendre, ce sont des cours ; ce ne sont pas des manifestations de violence dans les amphithéâtres. Il est clair que l'on se trouverait dans une situation insoluble si l'agitation qui a amené la suspension des enseignements devait recommencer avec la reprise des cours. Par conséquent, une telle mesure ne peut pas être prise dans un climat de désordre et de violence.
    « D'autre part, cette mesure ne peut reposer que sur la confiance faite au corps enseignant, faite aux étudiants aussi, en ce qui concerne le maintien de l'ordre vis-à-vis d'éventuels agitateurs ou provocateurs, le maintien du calme indispensable au travail de l'université et au fonctionnement de ses institutions. Si ces conditions paraissent réunies, la reprise des cours à la faculté des lettres de Paris-Sorbonne et à la faculté des lettres de Nanterre pourrait intervenir dès que le recteur et les doyens concernés le jugeront possible, c'est-à-dire, je l'espère, que cette reprise pourrait commencer dès demain après-midi. »

    Ce texte, que Fouchet approuve, subordonne la réouverture à deux conditions : manifestation calme ce soir ; assurance que les conditions d'un déroulement normal des cours soient réunies. La « désescalade » est à ce prix.
    Je fais passer un extrait, une heure avant de le prononcer, à l'AFP ainsi qu'à France-Soir, qui, sous le titre nettement forcé : « La Sorbonne rouverte demain », en fera une édition spéciale vendue aux abords de la manifestation.

    Joxe : « Vous nous prenez pour des zozos ? »
    Un peu après 19 heures, Joxe revient de la cérémonie de l'Étoile, où le Général, entouré de mes collègues, est allé ranimer la flamme pour commémorer la victoire et purifier la tombe du Soldatinconnu, que les « enragés » ont souillée hier. Joxe a pris connaissance de l'édition spéciale de France-Soir : il appelle Pelletier, pendant que je suis à la tribune de l'Assemblée. Il est hors de lui : « Votre ministre est allé trop loin ! Le Général va être furieux ! Vous nous prenez pour des zozos ? » Je l'appelle à la fin de la séance ; les précisions qui lui manquaient l'apaisent vite.

    L'effet attendu se produit : la fièvre tombe aussitôt. La manifestation se déroule dans le calme.
    Mais la dispersion, demandée par l'UNEF et dont le mot d'ordre a été diffusé par les militants de la FER et de l'UEC, laisse un goût amer à de très nombreux manifestants, pour qui l'activisme de Cohn-Bendit, de la JCR et des CAL correspond beaucoup mieux à leur romantisme de lanceurs de pavés.
    Geismar le matin avait annoncé sur une radio : « Aujourd'hui on prend la Sorbonne. » Le soir, il se laisse convaincre par Sauvageot et sans doute la CGT qu'en effet il faut saisir l'occasion de la désescalade — qu'il n'est pas utile de prendre la Sorbonne ce soir, puisqu'elle sera ouverte demain. Cohn-Bendit a raconté 4 comment, après la dispersion, lui et ses camarades décidèrent de casser cette logique d'apaisement, de provoquer « l'épreuve de force » : « Nous n'avions pas d'objectif politique immédiat à défendre, mais un pari à gagner, celui de la force de l'autonomie du Mouvement. » Vers 2 heures du matin, Geismar vient à cette réunion des « 22 mars ». « Il a fait une autocritique , lui aussi a pleuré. » Il libère le gauchiste en lui.
    Le lendemain, à 8 heures, Cohn-Bendit retrouve Geismar au bureau du SNESup où se tient une réunion de tous les mouvements.

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