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C'était de Gaulle, tome 3

C'était de Gaulle, tome 3

Titel: C'était de Gaulle, tome 3 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Alain Peyrefitte
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huit autres sont inculpés et poursuivis devant la commission disciplinaire de l'université, parce qu'ils voudraient que les forces de police se retirent du Quartier latin. La question est de savoir comment supprimer les causes de leur colère.
    AP. — On peut faire un pas vers eux, pour montrer à l'opinion que nous ne sommes pas des brutes, mais expliquer que des mesures d'apaisement ne peuvent être que la contrepartie du retour au calme.

    « Si ça ne suffit pas, vous tirez dans les jambes »
    GdG. — Il y a peut-être au maximum un enragé pour 99 étudiants qui attendent que le gouvernement les protège. Ils se rangeront du côté du gouvernement si le gouvernement se montre résolu ; ils se laisseront terroriser par les enragés si le gouvernement faiblit. Et n'oubliez pas (se tournant vers Fouchet) qu'un ministre de l'Intérieur doit savoir, s'il le faut, donner l'ordre de tirer. »
    Nous nous regardons tous trois en écarquillant les yeux.
    Joxe : « Nous n'en sommes pas là !
    Fouchet. — Avant d'en arriver là, il y a des moyens intermédiaires : les charges de police, les canons à eau, les matraques, les grenades lacrymogènes.
    GdG. — Eh bien, ne lésinez pas sur ces moyens-là. Mais sachez qu'à la fin des fins, l'État a une prérogative, celle d'abattre ceux qui veulent l'abattre. Vous faites les sommations, vous tirez en l'air, une fois, deux fois et, si ça ne suffit pas, vous tirez dans les jambes. »
    Nous ressortons en silence.
    Nous traversons le bureau des aides de camp pour qu'ils ne nous entendent pas ; puis, sur un signe de Joxe, nous nous arrêtons avant de franchir le seuil et nous mettons à chuchoter dans un coin.
    Joxe : « Naturellement, il ne pense pas un mot de ce qu'il a dit. Je le connais comme si je l'avais fait. Il a voulu nous couler du bronze dans la colonne vertébrale. Mais il sait bien que si on tirait, ce serait le meilleur moyen de déchaîner l'opinion contre nous et de flanquer le régime à terre. Seulement, il veut faire pression sur nous, pour que nous employions vigoureusement tous les moyens intermédiaires, de façon à ne pas utiliser le dernier moyen. »
    Joxe a probablement raison ; mais c'est quand même impressionnant.
    Tirer sur des étudiants ? Les polices américaine, japonaise, mexicaine et autres sud-américaines n'hésitent pas à tirer, y compris à l'intérieur des campus. Bourricaud me raconte qu'un de ses collègues de Berkeley, sociologue américain actuellement à Paris, lui a dit : « Face à des émeutiers aussi déchaînés, la garde nationale chez nous aurait aussitôt ouvert le feu et il y aurait déjà dix morts. »

    Palais-Bourbon, mercredi 8 mai 1968.
    L'Assemblée nationale consacre l'après-midi, de 15 heures à 20 heures, aux « manifestations étudiantes ».
    Presque toutes les interventions, au cours de cet après-midi, glosent sur l'inadmissible « occupation de la Sorbonne », cet espace inviolable et inviolé depuis des siècles.
    Je réponds que la Sorbonne n'a pas été occupée par la police, mais vidée de ses occupants ; que, sous tous les régimes, la police est entrée à la Sorbonne ; qu'il serait contradictoire d'opposer untabou aux forces de l'ordre et de livrer les enceintes universitaires aux milices armées de toutes les factions ; que l'État ne peut tolérer l'occupation illégale des bâtiments publics. Personne ne fait objection à ma démonstration 1 .
    Et pourtant, la légende demeurera : la police a profané le sanctuaire, ce qu'elle n'avait pas osé faire depuis cinq siècles.

    Sudreau, voulant peut-être m'épargner, dénonce comme cause de ces désordres le parti absurde, pris quelques années plus tôt, d'installer un campus sur le site de Nanterre : « On ne peut faire une faculté moderne, dit-il, dans un environnement délabré. »
    L'envie me démange de lui répondre qu'il a été lui-même l'auteur de ce choix. Mais comme je n'en suis pas tout à fait sûr et que je ne peux pas risquer de provoquer un incident de séance qui se retournerait contre moi, je me tais. Je ferai la mise au point, s'il y a lieu, après avoir dûment vérifié 2 .
    On sent les deux côtés de l'hémicycle tentés par les deux solutions extrêmes : casser de l'étudiant comme on cassait du fellagha pendant la guerre d'Algérie ; ou capituler devant eux, puisqu'on a toujours raison quand on a vingt ans. Mais la plupart des députés sentent bien que ces deux solutions sont aussi simplistes l'une que l'autre, et qu'il

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