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C'était de Gaulle, tome 3

C'était de Gaulle, tome 3

Titel: C'était de Gaulle, tome 3 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Alain Peyrefitte
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Giscard et moi au long des ans, mon sang n'a fait qu'un tour. J'écris à la hâte une lettre à Pompidou :
    « 9, rue Le Tasse « Ce jeudi 30 mai à 15 h.
    « Monsieur le Premier ministre,
    « Quelle que soit ma tristesse de ne plus partager vos responsabilités à l'heure où commence dans le drame le premier Conseil des ministres auquel je n'assiste pas, laissez-moi vous dire la fidélité du souvenir que, quoi qu'il advienne, je garderai de ces six années de travail continu à vos côtés, et l'indignation que j'ai éprouvée en entendant, tout à l'heure, un homme qui fut notre collègue et compagnon de travail vous porter ce coup de poignard dans le dos.
    « Veuillez me croire, Monsieur le Premier ministre, votre fidèlement dévoué.
    « Alain Peyrefitte. »

    Qu'au moins ce petit mot lui ménage quelque réconfort ! Je le lui fais porter par le motard dont, curieusement, j'ai toujours la disposition.
    De fait, comme si cette lettre le soulageait, il en fait état rapidement autour de lui. Il l'a même publiée dans son livre posthume Pour rétablir une vérité 2 .
    Avec le recul, on peut être frappé que Giscard, six ans avant d'accéder à la charge suprême, obéisse déjà à un réflexe légitimiste à l'égard de la fonction. Il la protège d'avance, en montrant la prééminence du Président sur le Premier ministre, fusible qui doit sauter quand les circonstances l'exigent. Il défend la fonction qu'il occupera un jour.

    Krieg : « Les RG avancent le chiffre de 20 000 , pour ne décourager personne »
    Nouveau coup de fil avec Krieg : « Je suis incapable de dire combien nous serons : 10 000, 30 000 ? J'espère 100 000. Les RG avancent le chiffre de 20 000, tout en précisant que c'est pour ne décourager personne d'y participer. » Je suis sûr que Krieg a fait le maximum, mais les dispositions pratiques — banderoles, mots d'ordre, slogans, chants, drapeaux —, si minutieusement prévues qu'elles soient, ne sont pas grand-chose : tout dépend du climat dans lequel le défilé va se dérouler. Qu'aura annoncé le Général au Conseil des ministres ? Que dira-t-il à la nation ? Après une prise de parole ratée, celle du 24 mai, va-t-il enfin trouver les mots magiques ?
    A 16 heures 30, nous nous rassemblons, mes collaborateurs et moi, anxieux, incertains, autour du transistor. Quatre minutes plus tard, nous savons que de Gaulle est toujours de Gaulle — le chef d'un combat. À l'intensité de notre confiance retrouvée, nous pressentons qu'il a gagné la partie.

    « Des groupes organisés de longue main »
    En une phrase, il a tout dit : « Les moyens qui pouvaient empêcher le peuple de s'exprimer sont l'intimidation, l'intoxication et la tyrannie, exercées par des groupes organisés de longue main en conséquence . »
    Il a parfaitement vu, et su faire comprendre, ce que presque personne ne voulait comprendre... et qui semblait lui échapper à lui-même jusque-là.
    Les salves que le Général a tirées ont été superbes de précision et d'efficacité. Sur les « politiciens au rancart ». Sur « ceux qui empêchent les étudiants d'étudier , les enseignants d'enseigner et les travailleurs de travailler ». Et surtout sur les communistes, délibérément érigés en adversaires principaux.
    Pourtant, n'ont-ils pas fait preuve de réserve, voire de timidité ? N'ont-ils pas tenu les gauchistes à bout de gaffe, interdit les manifestations communes d'étudiants et d'ouvriers, orienté les revendications vers des exigences catégorielles ? Mais l'heure n'est plusaux nuances et aux arrangements. De Gaulle abandonne la stratégie de Pompidou, pour lequel la France tenait debout grâce à une entente implicite entre Séguy et lui — « les deux Georges ».
    Je ne peux m'empêcher de ressentir une pointe de regret en pensant à son discours du 24 mai, où s'exprimait le besoin de réformer à la fois cette société qui se dressait contre l'État et cet État qui se liquéfiait. Vendredi dernier, il avait délivré une parole juste qui sonnait faux, parce qu'elle ne correspondait pas à la situation du jour ni à l'attente des Français. Aujourd'hui, il a formulé des accusations peut-être fausses, mais qui sonnent juste et atteignent leur cible.
    Pourvu que, une fois le retournement effectué et les élections gagnées, « la grande peur des bien-pensants » ne devienne pas la grande revanche et ne s'oppose pas à l'essentiel : ce que le Général avait annoncé le 24 mai...

    Nous sommes

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