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C'était de Gaulle, tome 3

C'était de Gaulle, tome 3

Titel: C'était de Gaulle, tome 3 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Alain Peyrefitte
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    Matignon, 22 février 1966.
    AP : « Qu'il soit détenu par un secrétaire d'État, un ministre délégué ou un ministre d'État, ce ministère de la Recherche scientifique que vous m'avez confié est un faux ministère. J' ai une belle vue sur la place de la Concorde, mais l'état-major de la Marine est détenteur du palais et ne fait que nous le prêter. Nous n'existons même pas pour la poste : notre courrier arrivée et départ est suspendu à une camionnette de Matignon. Nous vivons au jour le jour aux crochets d'organismes sous ma tutelle. Nous n'avons pas les moyens d'exercer un contrôle réel sur eux, puisque nous recevons d'eux les conseillers techniques qui sont censés les surveiller... et même les petits fours de nos réceptions !

    Pompidou : « La plupart des savants se fichent de l'utilité nationale »
    Pompidou. — Vous avez entièrement raison, il y a longtemps que je le pense, le ministère de la Recherche doit devenir un vrai ministère. Je vous appuierai pour que vous ayez les moyens de l'instituer dans le budget 67 et pour que, d'ici là, le Commissariat à l'énergie atomique vous fournisse sur son budget 66 les moyens qui vous sont nécessaires.
    « Je suis sûr que nous pourrions retirer d'importants avantages économiques et financiers de la création de ce ministère. Il faut arriver à ce que la recherche et l'utilité nationale soient mieux accordées. La plupart des savants se fichent de l'utilité nationale. »
    Je lui glisse un exemple que m'a donné le commandant Cousteau. On envoie des missions de géologues océanographes pour établir des cartes géologiques des fonds au large de la Terre de Feu, mais il n'existe aucune carte géologique du golfe de Gascogne, où il est vraisemblable et même probable que l'on pourrait prospecter du gaz, du pétrole, du manganèse.
    Pompidou reprend :
    « Quand vous l'aurez constitué, ce véritable ministère de la Recherche, il faudrait qu'il absorbe le CNRS. C'est un énorme organisme ingouvernable. C'est une juxtaposition de coteries. C'est un rassemblement de chercheurs fonctionnarisés, qui s'installentdans leur fromage et y restent jusqu'à la retraite, sans autre souci que de s'adonner à leurs marottes, qu'elles débouchent ou non sur des découvertes. »

    Pompidou : « Le Général ne sait pas pardonner; il n'a jamais pardonné à Raymond Aron »
    Je lui parle ensuite des questions d'hommes.
    Francis Perrin, haut-commissaire à l'Énergie atomique, arrive à la fin de son mandat. Le Général souhaite qu'on ne le renouvelle pas. Il lui tient rigueur de l'hostilité qu'il a hautement marquée jusqu'à une date récente à l'égard de l'armement nucléaire. Précisément pour les mêmes raisons, je souhaite le renouveler : maintenant qu'il s'est converti à la force de dissuasion, il nous sert de caution vis-à-vis du monde universitaire, qui est encore loin de s'être rallié. Saint Paul fait plus d'adeptes que saint Pierre.
    Pompidou approuve mon choix : « Tâchez de le vendre au Général, mais surtout parlez-lui-en directement, vous le fléchirez sans doute. S'il est saisi par une note, il répondra négativement par écrit.
    AP. — Pour représenter les sciences humaines au comité des Douze Sages, j'avais proposé Raymond Aron. Il a refusé.
    Pompidou. — Je l'avais bien dit ! Je le connais, le Général ! Il a toujours détesté Raymond Aron, depuis l'époque de Londres où celui-ci dirigeait une revue dite France libre, tout en ne faisant pas partie de la France libre. Il ne sait pas pardonner. Il ne le lui a jamais pardonné. Il ne lui pardonnera jamais de l'avoir traité de Badinguet 1 . Et pour brocher sur le tout, il lui reproche son américanophilie. Il considère qu'Aron est "acheté par les Américains" parce qu'ils lui donneraient dix mille dollars par an pour faire un cours à Harvard. Ce qui est très injuste, parce qu'un cours de Raymond Aron vaut bien dix mille dollars. C'était inévitable qu'il refuse, si on adoptait la procédure écrite ! Je veux bien que vous en parliez au Général, mais vous n'avez que bien peu de chances de le faire revenir sur un refus écrit.
    AP. — En cas d'échec, je proposerais le nom de Lévi-Strauss.
    Pompidou (fait la moue). — Il nous est sûrement beaucoup plus opposé que Raymond Aron. Mais pour éviter Aron, il l'acceptera. Ce sera une absurdité de plus. » (Voilà un propos que, même en tête à tête, il n'aurait jamais tenu l'an dernier.)
    Je lui fais part du

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