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C'était de Gaulle, tome 3

C'était de Gaulle, tome 3

Titel: C'était de Gaulle, tome 3 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Alain Peyrefitte
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leurs objections tiennent. Est-il vraiment indispensable de ne faire qu'une campagne tous les deux ans ? D'avoir de l'uranium de Pierrelatte en quantité ? De posséder des ordinateurs géants ? Essayez de voir si ce ne sont pas de fausses raisons. »
    Ensuite, le Général laisse tomber la conversation. J'essaie de le faire parler d'autre chose. Il ne répond pas. Je me sens de trop. Il m'a fait monter dans sa voiture pour me « remonter les bretelles ». La chose est faite, il n'a plus rien ni à me dire, ni à entendre de moi.
    Le Général prend dans le vide-poches de sa portière un sac de caramels. Il baisse la vitre, roule en boule le papier et le jette sur la route.
    En juin 1965, j'avais déjà eu la surprise de le voir agir de la sorte, dans la voiture où je lui tenais compagnie sur les routes de l'Eure-et-Loir. L'aide de camp m'avait expliqué que le Général avait pris cette habitude quand il avait renoncé à fumer. Sucer des caramels était devenu pour lui une autre dépendance, moins fâcheuse pour sa santé que le tabac. Les aides de camp veillaient toujours à ce qu'il en ait un paquet dans son bureau et un autre dans sa voiture.
    Nous n'avons encore fait que le quart du chemin. Nous n'allons quand même pas rester muets jusqu'à l'Élysée, lui à sucer des caramels, moi à le regarder ? J'allais tenter de relancer la conversation, quand il la relance lui-même.

    « Le CEA exige des calculateurs géants américains ; mais les Américains les avaient-ils quand ils ont fait leur bombe H ? »
    GdG : « Regardez de près cette affaire de calculateurs. Le CEA exige des calculateurs géants américains ; mais les Américains les avaient-ils quand ils ont fait leur bombe H ? Voyez ça. Enfin... Il est navrant que nous soyons si minables dans ce domaine. Cette affaire Bull a été lamentable.
    AP. — Pour la recherche, nous vivons encore en 1966 sur les structures que vous aviez établies précédemment : en 1945, le CEA, en 1958, la Délégation générale, la recherche, l'enveloppe-recherche, les actions concertées.
    GdG. — Quand je suis revenu aux affaires, en 58, il y avait un problème urgent à résoudre : mettre de l'ordre dans le domaine de la recherche, organiser des instances responsables pour les choix à proposer au gouvernement.
    « On avait déjà réfléchi à ce problème dans les années précédentes. Mais, comme toujours, personne n'avait tranché. En attendant, les scientifiques se décourageaient. De plus en plus nombreux étaient ceux qui partaient à l'étranger, surtout aux États-Unis. Il fallait rendre aux chercheurs confiance dans leur avenir en France. Entre le sommet de l'État et le laborantin penché sur ses éprouvettes dans son laboratoire, il y avait un fouillis de relais qui se contrariaient, ou au moins faisaient double emploi ; les uns relevant de l'État, mais sans aucune impulsion de l'État ; les autres relevant du privé et aidés par les crédits publics, mais sans contrôle de l'autorité publique ; sans compter les chevauchements entre les différents départements ministériels. Bref, c'était la chienlit 5 et la chienlit n'a jamais débouché sur rien.
    « Il fallait donc mettre tout ça en ordre ; et puis, il fallait donner des moyens. Mais si on en avait trop donné tout de suite, on aurait dû procéder à des recrutements massifs, on aurait abaissé le niveau au-dessous du médiocre. Ce qu'il faut, c'est une augmentation continue et raisonnable. Vous verrez si vous pouvez accélérer cette croissance, mais il ne faut pas non plus trop l'accélérer.

    « Renseignez-vous sur les Japonais »
    « Et puis, bien sûr, la recherche fondamentale, comme ils disent, est en effet fondamentale. Il faut que ces chercheurs-là soient libres aux entournures et puissent prendre des initiatives. Mais il ne faut pas non plus qu'ils tournent systématiquement le dos à l'application. Ils ont tendance à le faire, comme si c'était dégradant de passer de la science à la technique. Nous autres qui sommes responsables des intérêts supérieurs, nous ne devons pas oublier que ce sont les innovations techniques qui permettent au pays de progresser. La découverte de la puissance de la vapeur, c'est bien, mais la fabrication de la locomotive, c'est mieux. Le principe du moteur à explosion, c'est bien ; la construction des autos, des avions et des chars, c'est mieux. On peut être battu à plate couture tout en ayant découvert le principe, si on ne sait pas

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