C'était De Gaulle - Tome I
encore... » Il se tourne vers Georges Galichon 1 ,directeur de cabinet : « Ah, vous notez ça, hein.» Et puis : « L'électricité, ça marche, oui, l'électrification est terminée ? — Oh non, mon général, le courant n'est pas bon. Les images de la télévision sautent tout le temps. — Alors, qu'est-ce qu'il faut faire ? — Il faudrait installer des transformateurs. — Bon, il faut faire attention à ça. Vous notez. Et le téléphone ? — Ah non, ça marche mal, il faut attendre trop longtemps les communications. » Et ainsi de suite.
Les maires sont enchantés. Ils n'avaient jamais imaginé qu'un Président de la République — et quel Président — se préoccuperait de leurs adductions d'eau, de leur tout-à-l'égout. Il leur parle de ce qui les préoccupe, car il y a lieu, effectivement, que le chef de l'État s'en préoccupe. En cet instant, il partage pleinement leurs soucis. Il va de l'un à l'autre, absorbant la réalité provinciale comme une abeille le pollen. Mais, en même temps, il leur enseigne les difficultés de l'arbitrage :
« Vos préoccupations sont légitimes. Mais naturellement, dans ce pays, chacun est plus particulièrement anxieux de tel ou tel de nos grands efforts nationaux — l'enseignement, le logement, l'agriculture, les hôpitaux, l'aménagement du territoire, les communications, etc., etc. Chacun voudrait que, dans la branche qui le touche particulièrement, on aille plus vite qu'on ne va. »
Les voyages dans le pays profond, c'est surtout, pour lui, une source de force, de vitalité. Il a besoin de se replonger dans la France.
« Le préfet ne doit pas mendier ! »
Il s'agace de voir que la préfecture où il s'arrête à l'étape est propriété du département, non de l'État ; que le préfet doit solliciter chaque année des crédits de voiture ou de moquette auprès des conseillers généraux ; surtout lorsque ceux-ci sont dans l'opposition, ce qui n'est pas rare. Il exprime à Roger Frey et à moi son mécontentement d'une situation qu'il estime de dépendance, donc de connivence :
« Le préfet, dit-il, c'est l'État dans chaque département. Il ne doit pas mendier. S'il faut qu'il supplie les conseillers généraux pour que sa femme puisse changer les rideaux ou engager un cuisinier, c'est l'État qu'il humilie. Comment voulez-vous qu'il garde assez d'autorité pour tenir tête aux pressions ? »
« Si les préfets devaient dépendre du ministère des Finances, me dit Roger Frey à l'oreille, ils seraient réduits à la misère. » Et il fait le dos rond.
« Je réunirai les habitants de mon village »
À l'issue du Conseil des ministres du 10 avril 1963, je demande au Général pourquoi son prochain voyage va durer si longtemps.
GdG : « Il ne dure que six jours. D'ordinaire, il en durait quatre. C'est-à-dire qu'il y a en pratique deux jours de plus que d'habitude. Cela tient au fait que je finis le voyage par la Haute-Marne. À l'ordinaire, je fais un département par jour. Pour la Haute-Marne, je tiens à faire plus. J'en visiterai tous les chefs-lieux de canton. En outre, je visiterai les localités qui environnent la mienne.
« Je réunirai les habitants de mon village pour leur parler, ce que je n'ai jamais fait jusque-là. C'est une politesse que je leur fais. Je la leur dois. Je suis parmi eux depuis si longtemps ! Je n'ai jamais eu de véritables contacts avec eux. Ils font si bien attention à ne pas me déranger. Savez-vous que je ne reçois jamais de demandes d'intervention de leur part, alors que j'en reçois des centaines par jour ? Ils se contentent de me voir de temps en temps à la sortie de la messe. Mais ça ne suffit pas. Il faut qu'enfin, un jour, je leur parle ! »
Il le fera. Dans la grande salle où se déroule cette rencontre inédite, le secrétaire de mairie lui présente ceux qu'il ne connaît pas par leur nom. Il a un mot, une question pour chacun. Et cela se termine par « un verre ».
On croirait qu'il se prépare à une élection sénatoriale en Haute-Marne. Mais non. Il accomplit seulement un devoir — un devoir de bon voisin.
« Il m'a touché la main ! »
Choses vues et entendues au cours du voyage avec le Général dans les Ardennes et en Champagne (avril 1963).
Une femme dans la foule : « C'est pas le Bon Dieu, mais j'aimerais bien lui toucher la main. »
Dans les villages, quand il ne s'arrête pas, les gens massés sur le bord de la route : « Ça y est, on l'a vu quand même. »
Autres réflexions
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