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C'était De Gaulle - Tome I

C'était De Gaulle - Tome I

Titel: C'était De Gaulle - Tome I Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Alain Peyrefitte
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entendues le long de la route : « Ah ! C'est bien lui. » « Ah oui, il ressemble bien à ses photos. » « Oui, il est exactement comme à la télévision. »
    « Et elle ? » « On ne voit pas sa dame. »
    L'air transfiguré des gens qui ont eu un contact physique avec lui : « Il m'a touché la main ! » Le désappointement de ceux qui n'y ont pas réussi : « Il ne m'a pas touché la main ! »
    Pour établir le contact espéré, le regard suffit : « Il nous a vus ! » crie une femme, perdue dans la foule. Elle s'en est sentie régénérée. D'autres repartent, déçus : « Il ne nous a pasregardés.» Qu'était-ce d'autre, le roi thaumaturge de l'Ancien Régime, qui, par la seule imposition de ses mains, guérissait les écrouelles ?
    De Gaulle aime répéter qu'il incarne la légitimité depuis 1940. Mais ne ressuscite-t-il pas une légitimité mise à mal en 1792 ? Depuis que les Français ont renversé puis décapité leur roi, ils sont à la recherche d'une légitimité perdue. Ils se sentent devenus le souverain, mais veulent aussi déléguer eux-mêmes leur souveraineté à un pouvoir qui ait visage humain, dans lequel ils puissent se reconnaître, et auquel ils aient envie d'obéir. La légitimité parcellaire et fractionnée de la République parlementaire ne pouvait les satisfaire. De Gaulle a fondé une monarchie républicaine : désormais, la continuité doit être assurée par le mode d'élection lui-même, qui, chaque fois, restitue au peuple la totalité de son pouvoir souverain.
    Et si le succès des voyages du Général provenait de ce que de Gaulle, incarnant la légitimité perdue, ôte aux Français leur obscure culpabilité d'avoir anéanti la légitimité de l'Ancien Régime ?

    À Rocroi, des hommes dans la foule poussent des cris hostiles à Mme Viénot, le maire 2 , qui fait au Général une harangue inamicale : « Je manquerais à l'honnêteté si je ne vous disais que je suis une adversaire déterminée du régime que vous avez institué en 1958. » « Vive de Gaulle ! » clame-t-on dans la foule pour la faire taire. Un contradicteur l'interrompt et va jusqu'à l'insulter : « Salope ! » C'est un garçon coiffeur, que des journalistes se hâtent d'interroger :
    « Si vous n'êtes pas d'accord avec elle, pourquoi l' avez-vous élue?
    — On ne l'avait pas chargée de dire ça ! Comment voulez-vous qu'on fasse autrement que de l'élire ? Elle met des billets de cinq cents francs dans les enveloppes électorales ! »
    Façon imagée de faire ressortir que cette dame, puissamment riche, comme fille du propriétaire d'une grande aciérie luxembourgeoise, l'ARBED, contribue sur ses propres deniers à la gestion de sa ville. « Elle sera réélue tant qu'elle vivra.»
    Mais ses opinions politiques n'ont aucun rapport avec celles de sa population. Le député du coin, un gaulliste, le général Noiret, a obtenu une large majorité dans cette ville qui a la réputation, à cause de son maire, d'être un fief PSU. De l'eau au moulin de De Gaulle, quand il dénonce la non-représentativité politique des notables.

    « Il y a un Bon Dieu pour les pédérastes »
    Étonnement des gens, notamment des ouvriers, en voyant le nombre des voitures qui suivent le Général. Sifflements, mi-admiratifs, mi-critiques : « Y a de la DS ! »
    À Charleville, on a offert au Général un buste de Rimbaud. Le lendemain, à Rethel, on lui offre un buste de Verlaine. Le Général remercie en disant : « Je les mettrai sur la même cheminée. Ils seront enfin unis. »
    II me dit ensuite, en baissant la voix : « Il y a un Bon Dieu pour les,pédérastes ! »
    A Rethel, comme dans la plupart des villes, le Général sacrifie à la cérémonie du filleul. On lui présente un garçon d'une quinzaine d'années, dont il est le parrain. (Quand il était chef du gouvernement provisoire, faisant fonction de chef de l'État, jusqu'en 1946 — m'explique Galichon —, il devenait automatiquement, selon la coutume des Présidents de la République, parrain du douzième enfant d'une famille nombreuse.) Il lui tape sur l'épaule en demandant au père : « Alors, il travaille bien, ce garçon ? »
    Le fils, un grand dadais, regarde, l'œil éteint. Le père dit : « Non, mon général, il fout rien. »
    Le Général, qui en a vu d'autres, répond, impassible : « Ah ! c'est grave, ça, s'il fout rien.»
    À Givet, lors de la présentation des personnalités, une dame qui répond au nom de Mme Coupaille, petite et ronde comme une

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