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C'était De Gaulle - Tome I

C'était De Gaulle - Tome I

Titel: C'était De Gaulle - Tome I Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Alain Peyrefitte
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auteur.

PROLOGUE

Chapitre 1
    «LES FOUCADES DU GÉNÉRAL»
    Je me méfie de la mémoire : elle flanche, comme dit la chanson. Je me méfie des Mémoires : ils reconstruisent le passé à leur façon. Inévitablement, ils remodèlent les souvenirs en fonction de ce qui était alors un avenir inconnaissable, mais qui est devenu entre-temps un passé trop présent.
    Le seul mérite de ce livre, c'est que les propos qu'il rapporte ont été notés au jour le jour 1 . En les déchiffrant, j'ai eu la surprise d'y découvrir maints détails que j'avais oubliés. Il en est auxquels j'aurais eu de la peine à croire, tellement ils contredisent les idées reçues, si je ne savais que je me suis toujours imposé de les prendre avec ma sténographie personnelle, ou de les jeter sur le papier tant que les mots résonnaient à mon oreille 2 .
    Rien ne me destinait à recueillir les confidences du Général. Je ne l'avais approché ni au cours de l'épopée de la France libre ou pendant le gouvernement provisoire, ni tandis qu'il menait l'assaut à la tête du RPF contre la IV e République ou traversait le désert. J'ai attendu mars 1959 pour avoir avec lui mon premier entretien approfondi.
    Dès le début, j'avais résolu de tenir journal de toutes nos éventuelles rencontres ; ultérieurement, je n'eus aucune peine à respecter cette discipline. J'étais pourtant loin de me douter qu'entre 1959 et 1969, j'aurais la chance de converser avec lui en tête à tête plus de trois cents fois ; sans compter davantage encore de conseils de gouvernement, au cours desquels, par le privilège de la fonction, puis par celui de l'habitude, je relevais aussitôt ses interventions.
    Ce chef d'État qui s'était fait une règle de ne pas accorder d' interview à un journaliste — jusqu'à ce que, non sans peine, nous l'eûmes décidé à se faire interroger devant les caméras dela télévision par Michel Droit — m'en accorda au moins une chaque semaine pendant près de quatre ans ; à quoi s'ajoutèrent, au long de cette décennie, nombre de dialogues au cours de voyages en province ou dans le monde, propos de table, audiences particulières.
    Le prix de ces entretiens me paraissait si grand, que je les consignais scrupuleusement le jour même. La vie diplomatique m'avait appris qu'une conversation doit être mise au net sur-le-champ : faute de quoi, à la faveur d'une seule nuit, voire de quelques heures, sa trace se brouille, ou l'inconscient recompose ce qu'on aurait aimé qui fût dit.
    Craignant les tours que le souvenir joue à la bonne foi, je jetais donc les mots clés sur un carnet que je portais toujours sur moi ; calé sur la banquette de la voiture qui me reconduisait, je replaçais les thèmes dans l'ordre où le Général les avait abordés ; je marquais les repères ; j'inscrivais à la diable les formules saillantes ou pittoresques ; enfin, je prenais le temps qu'il fallait pour reconstituer la conversation d'un bout à l'autre.
    Fascination ? Hygiène mentale ? Désir d'amasser de précieux documents pour plus tard ? Un peu de tout cela, sans doute. Mais aussi, le sentiment qu'une compréhension aussi exacte que possible de la pensée du Général devenait la condition de ma tâche : de parlementaire mandaté par mes électeurs pour le soutenir ; de ministre auquel il confiait des missions sur lesquelles il avait des vues fort précises — Information, Rapatriés, Recherche scientifique et questions atomiques et spatiales, Éducation nationale — ; et surtout, porte-parole du gouvernement, c'est-à-dire essentiellement son porte-parole.

    « N'essayez pas de singer Malraux, faites du Claude Mauriac »
    Élysée, 2 avril 1971.
    Claude et Georges Pompidou ont réuni, pour un dîner intime, Suzanne et Maurice Genevoix, Monique 3 et moi, dans la petite salle à manger que Claude Pompidou vient d'aménager au second étage de l'Elysée : murs peints en blanc, ornés de tableaux abstraits, mobilier moderne, table basse en verre dans laquelle est placée une feuille d'or froissée qui envoie au plafond des reflets chatoyants. « Le Général, nous dit le Président, ne s'était pas vraiment installé à l'Élysée. Il y avait ses quartiers, comme un officier qui va de garnison en garnison. Il prenait le logement et le mobilier tels qu'ils étaient. Il n'a pas déplacé un seul guéridon.Si Mme de Gaulle avait souhaité apporter la moindre gravure, il l'en aurait dissuadée. Ils étaient de passage. »
    Les livres-témoignages

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