C'était De Gaulle - Tome I
»
Comme d'habitude, les conclusions du voyage sont tirées en Conseil des ministres. Le 30 avril 1963, le Général : « L'impression générale est bonne. Pour ce qui est du sentiment collectif, comme à l'occasion des précédents voyages, il n'y a pas de question.
« Au point de vue politique, non plus. Sur les problèmes constitutionnels, qui ont tenu un rôle essentiel dans l'année 1962, sur les problèmes de défense, il n'y a aucun courant contraire, pas la moindre trace d'une hostilité à la politique suivie par nous.
« Évidemment, quand quatre-vingts maires me reçoivent dans leur commune, il y en a bien quatre ou cinq qui sont des blocs erratiques 3 d'hier. Ils ne veulent pas, ils ne peuvent pas avancer. La masse de leurs préjugés est trop lourde. Ils poussent bien quelques cris contre cette Constitution ou contre cette politique de défense. Mais la population, dans son immense majorité, approuve cette politique.
« En ce qui concerne les problèmes économiques, il y a encore beaucoup à faire. L' agriculture, voilà longtemps que nous avons adopté des mesures pour lui permettre de se mettre à jour. Mais je n'ai pas l'impression que ces mesures soient exécutées avec tellement de vigueur. Partout, on me parle du remembrement qui ne se fait pas. Les décisions ne s'appliquent pas. Les problèmes n' avancent pas. Il n'est pas normal que des maires puissent me reprocher de n'avoir pas reconstruit leurs ponts. Pourquoi un tel retard ?
Jacquet. — C'est une question de finances, mon général.
GdG. — Des finances, il y en a bien toujours quand on veut agir. Il faut les appliquer au point qui est le plus utile. Et je n'ai pas l'impression que les ponts soient inutiles.»
1 En juillet 1961, il a remplacé René Brouillet, nommé ambassadeur à Vienne.
2 Militante PSU et veuve de Pierre Viénot, qui représenta à Londres le Comité français de libération nationale quand de Gaulle s'installa à Alger.
3 Ce terme géologique désigne les énormes rocs qui subsistent d'une moraine, quand un glacier a fondu. Le Général utilisait volontiers cette formule pour désigner ses adversaires, restes bien encombrants d'un âge révolu.
Chapitre 12
« CHARLES, LES PRIX MONTENT ! »
Au Conseil des ministres du 25 avril 1962, Pompidou a énoncé les grandes lignes de la déclaration de politique générale qu'il doit lire le lendemain devant l'Assemblée nationale : « Nous devons avoir une monnaie forte. L'inflation est agréable pour bien des gens : les emprunteurs, les propriétaires, les salariés qui croient qu'ils gagnent davantage... Mais elle mine les bases mêmes de l'existence d'un pays. Notamment à l'intérieur du Marché commun. »
Au Salon doré, après le Conseil, comme j'essaie d'en savoir plus, le Général me rabroue : « Gardez-vous de couper l'herbe sous le pied du Premier ministre. Il faut laisser à l'Assemblée la primeur de la déclaration gouvernementale. D'autant que ce que le Premier ministre a dit est bien dit. »
Il consent quand même à paraphraser Pompidou, qui l'avait lui-même paraphrasé : « Le franc fort est le premier instrument de l'expansion, mais aussi de la politique sociale, nationale, internationale. Si nous cessons d'être au niveau des autres, nous sommes condamnés au repliement économique, donc politique. C'est la clé de tout. »
« La grève, c'est leur seule façon d'exister »
Au Conseil des ministres du 4 mai 1962, Bacon 1 fait une communication sur les grèves qui se préparent, notamment à EDF. Mais il n'est pas pessimiste : la pratique des négociations paritaires joue en faveur de la paix sociale et maintient les revendications dans des limites raisonnables.
Pompidou : « La présentation compte autant que les faits eux-mêmes. Les grèves sont une forme normale de la lutte pour l'amélioration du niveau de vie ; il ne faut pas les dramatiser. Les responsabilités du mauvais climat d'EDF sont multiples. C'est une entreprise énorme. Des promesses ont été faites par de nombreux ministres antérieurs, même récents, et n'ont jamais ététenues. L'agitation se justifie par la situation du marché de l'emploi. L'offre d'emploi est très élevée ; les employeurs ont du mal à recruter. Donc, les salariés cherchent à en profiter. C'est normal et légitime. Le rôle de l'État ne doit pas être d'empêcher les revendications d'aboutir, mais de les tenir dans des limites qui ne compromettent pas l'équilibre des prix et de la monnaie.
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