C'était De Gaulle - Tome I
réalisations françaises à l'extérieur, les grands travaux.
« Et puis, pourquoi toujours succomber à la tentation du luxe et du clinquant ? Pourquoi mettre tellement l'accent sur les présentations des grands couturiers ? Le Journal télévisé s'adresse au peuple ! Qu'un magazine féminin présente les collections, c'est son rôle. Mais que le Journal télévisé, qui s'adresse à tous les Français, transforme en une obsession quotidienne le défilé de robes à 3 000 francs, c'est une provocation pour des ouvriers qui gagnent 500 francs par mois ! Et puis, c'est très bien de montrer la France des régates, du tourisme hippique, mais ce sont là des vacances de riches. Et pourquoi toujours privilégier ce milieu frelaté, ce monde de l'argent facile, des filles faciles, qui sont des provocations pour un public populaire pour qui la vie est difficile ? Montrez des images de la vie française telle qu'elle est, c'est-à-dire en progrès et en expansion, et au total heureuse et paisible, et non telle que la presse la présente !
« Et pourquoi la télévision n'est-elle pas plus gaie ? Georges de Caunes a de l'humour, il est dans la bonne voie. Mais n'existe-t-il pas des chansonniers qui se moqueraient autant de l'opposition que du gouvernement ? Il n'y a pas de raison qu'ils ridiculisent plus Pompidou que Guy Mollet. Et pourquoi des hommes comme Frossard et, dans un autre genre, Pierre Dac, qui savent faire rire ou sourire, ne pourraient-ils pas reconvertir leur talent vers la télévision ? »
Décidément, le Général fait plus que vouloir « se servir » de la télévision. Il l'aime, en téléspectateur assidu et captivé. Il aurait fait un très bon directeur des programmes.
1 Où je reviens comme ministre de l'Information après quelques semaines aux Rapatriés.
2 Effectivement, lors du débat sur la motion de censure, dans la nuit du 4 au 5 octobre 1962, au bout de laquelle le gouvernement avait été renversé, Georges Pompidou avait déclaré : « J'ai le plaisir d'annoncer à l'Assemblée que j'avais fait préparer par le précédent secrétaire d'État à l'Information [c'est-à-dire moi, avant mon remplacement par Christian Fouchet] un statut de la Télévision. Je n'aurai peut-être pas l'occasion de le soumettre à l'Assemblée : dans ce cas, je le laisserai à mon successeur. »
3 Ce journaliste était Georges Penchenier.
4 La nouvelle formule du Journal télévisé a été lancée le 20 avril 1963.
Chapitre 11
« IL FAUT LEUR PARLER COMME À DES ENFANTS »
J'ai raconté plus haut le premier des treize voyages à l'occasion desquels, en ma nouvelle qualité, j'ai eu le privilège d'escorter le Général — c'était en Limousin, en mai 1962.
« Vous verrez (m'avait-il annoncé), je vais broder sur les thèmes de ma dernière conférence de presse. Il ne faut dire à une foule que des choses qu'elle puisse immédiatement comprendre... Il faut leur parler comme à des enfants — et, en même temps, ce qu'on doit leur dire, c'est le fond des choses. » Définition de la pédagogie...
Les sujets des discours varient selon l'actualité ou les projets du moment ; mais essentiellement,, tous les voyages en province se déroulent de la même façon. A chaque bourgade, à chaque village traversé, le même rituel recommence. Un maire ému, ceint de son écharpe, se campe devant un micro et lit sa harangue, quelquefois difficilement : il dit sa fierté d'accueillir le libérateur du territoire, ou celui « qui nous a redonné l'espérance » (formule qui n'est pas sans rappeler la chanson « Maréchal, nous voilà ! », qu'on nous faisait chanter pendant la guerre). Le Général, très à l'aise, rebondit sur les propos du maire, célèbre la localité, puis fait des variations sur les thèmes retenus. Enfin, il se mêle à la foule et serre des mains innombrables.
« Alors, qu'est-ce qui vous préoccupe ? Les chemins, je parie ? »
Les maires lui racontent la vie locale, lui parlent de leurs soucis, et il répond d'un air bonhomme en se mettant au même diapason. Le soir, en fin de journée, à la préfecture du chef-lieu, il les réunit. Les voilà deux cents, trois cents. Il leur demande quelles sont leurs difficultés. Il mène ce dialogue de main de maître : « Alors, qu'est-ce qui vous préoccupe ? Les chemins, je parie ? — Ah oui, les chemins, disent les maires. — Bon. Et puis, l'adduction d'eau ? — Oh, elle est faite, l'adduction d'eau. Ça va. » Ou bien : « Non, il reste
Weitere Kostenlose Bücher