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C'était De Gaulle - Tome I

C'était De Gaulle - Tome I

Titel: C'était De Gaulle - Tome I Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Alain Peyrefitte
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nous une feuille de papier à cigarette. C'est l'esprit du régime. Et c'est mon rôle.
    « Je ne suis pas comme Debré : je n'ai pas d'existence propre. Je ne suis qu'un reflet de De Gaulle. (De tout l'entourage, il est le seul à ne pas toujours dire "le Général ".)
    « Je n'ai pas de vie politique à moi, pas d'électeurs, pas de clientèle, pas d'implantation, pas de possibilité de voler de mes propres ailes. Je n'ai même pas d'idées à moi en matière politique. Je n'ai que les idées du Général.»
    La fumée d'une cigarette plantée à la commissure des lèvres l'oblige à cligner en permanence de l'œil gauche.

    Pompidou : « Quoi qu'il arrive , ce sera bon pour nous d'avoir travaillé avec de Gaulle »
    « Vous savez, je n'y suis pas allé de gaieté de cœur, ajoute-t-il.
    Ma carrière était toute tracée chez Rothschild. J'allais devenir bientôt associé. C'est le genre d'existence que j'aime. J'étais un homme libre. Je vais cesser de l'être. Ma femme a horreur de lapolitique. Je ne suis pas sûr d'être fait pour cette fonction. En tout cas, pas durablement, ça j'en suis bien sûr.
    «Le Général m'avait prévenu de ses intentions il y a longtemps ; j'ai eu bien du mal à vaincre mes réserves. Je lui ai écrit une longue lettre juste avant qu'il ne me nomme, pour lui faire part de mes scrupules. Il a passé outre. En tout cas, j'ai soulagé ma conscience.
    « Je vais être un Premier ministre de transition. Je veux bien aider quelque temps le Général, comme en 58 pour la direction de son cabinet ; mais je céderai volontiers la place à des gens qui n'ont jamais pensé à autre chose qu'à ça, à des professionnels de la politique. Je ne suis qu'un amateur.
    « Nous sommes là pour un maximum de onze mois, puisque le mandat de l'actuelle Assemblée expire en mars prochain. Mais il est probable que nous n'atteindrons pas le terme ; le Général souhaite dissoudre et n'attend qu'une occasion.»
    Pour un « amateur » qui « n'a pas d'idées à lui en matière politique », il a des idées très précises en matière d'organisation. Il souhaite m'avoir auprès de lui , « non seulement au sens figuré », selon mon titre officiel, « mais au sens propre ». Il m'affecte l'hôtel qu'on appelle « le petit Matignon », de l'autre côté de la rue de Varenne. « L'avenue de Friedland, c'est au diable. Il faut que je vous voie tous les matins et, s'il le faut, plusieurs fois par jour. Seulement, le Général n'apprécierait pas, s'il l'apprenait, que vous ne mettiez pas les pieds dans l'immeuble du ministère de l'Information ; il ne faut pas que les services se sentent trop seuls. Tâchez d'y faire un saut de temps à autre 1 .»
    Pompidou fait alors entrer ses principaux collaborateurs, qui arrondissent le cercle de famille autour de la table drapée, et nous passons en revue les questions du jour. À la fin, il me glisse : « De toute façon, vous savez, quoi qu'il arrive plus tard, ce sera bon pour vous, pour nous, d'avoir travaillé avec le Général. C'est un peu de sa gloire qui nous retombera dessus. Si on le suit fidèlement, on est sûr de ne pas manquer à l'honneur ni à la patrie. »

    Matignon , samedi 21 avril 1962.
    Ce matin, Pompidou est arrivé au volant de sa Porsche blanche, vêtu en gentleman farmer . Il est encore plus détendu que d'ordinaire. « Je m'arrangerai pour que ma matinée du samedi soit légère. En dehors de notre réunion, je verrai seulement Couve. Puis, je vais à Orvilliers. Joffre ne se bousculait jamais et dormaitbien, c'est pour ça qu'il a gagné la bataille de la Marne.» Il affecte de ne laisser aucun papier sur son bureau et de n'être jamais accablé par la besogne. Mais l'huissier charge sa voiture de dossiers sélectionnés par son cabinet...
    Nous avons tenu nos réunions tous les matins de cette première semaine : spirituelles et vives, comme si la gaieté permettait de mieux faire face aux drames qui nous attendent.

    « Je ne suis sorti de rien, c'est pour ça qu'il m'a appelé »
    Matignon , 23 avril 1962.
    Pompidou finit de mettre au point la déclaration gouvernementale qu'il va lire à l'Assemblée. Son chef de cabinet, Anne-Marie Dupuy, lui apporte les feuilles au fur et à mesure qu'elles sont tapées. En me regardant par-dessus ses lunettes, il me dit :
    « La situation va être surréaliste. Je n'ai de ma vie mis les pieds à l'Assemblée, même pas dans les tribunes. De tous ceux qui seront présents dans l'hémicycle, je serai le

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