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C'était De Gaulle - Tome I

C'était De Gaulle - Tome I

Titel: C'était De Gaulle - Tome I Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Alain Peyrefitte
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donne rendez-vous aux historiens de ce temps-là, où mes os auront blanchi. Quand mon travail sera terminé, je déposerai mes propres notes aux Archives nationales.

I
    « COMPAGNON »

Chapitre 1
    « POURVU QUE LES RESPONSABLES SACHENT LE VOULOIR»
    Place de la République, 4 septembre 1958 1 .
    Il est là, l'homme de la radio de Londres à la voix brouillée ; et chacun sent que ce moment, où il lance la V e République, fera date dans l'Histoire. Il a voulu frapper les esprits par un symbole. Le jour et le lieu choisis se prêtaient au déploiement d'une foule chaleureuse, mais aussi à la contre-manifestation, à laquelle a appelé L'Humanité. Je suis pris dans leurs remous comme Fabrice à Waterloo.
    Voilà plus de dix-huit ans que de Gaulle a fait irruption dans ma vie, et c'est seulement cet après-midi que je le vois en chair et en os ; encore ne l'aperçois-je que de fort loin.
    Le parti communiste a vu une provocation dans cette mise en scène : la place de la République, le jour anniversaire de sa fondation sur les décombres du Second Empire, ce sont ses symboles. Il ne peut accepter que la propriété de cette date et de cet emplacement lui soit soufflée par un régime qu'il dénonce précisément comme « césarien », à l'égal de celui de Napoléon III.
    De multiples barrages n'empêchent pas des groupes de bousculer les spectateurs en attente et de lâcher des ballons auxquels sont suspendus des « NON » aux trois couleurs. La police charge les perturbateurs, qui lancent des cris de guerre : « Le fascisme ne passera pas ! » Plusieurs tombent. Pèlerines et bâtons blancs s'abattent sur eux.

    « Le reste dépendra des hommes »
    Après le ministre de l'Éducation nationale Berthouin, qui ne réussit pas à dégeler, avec ses rappels historiques, l'indifférence de la foule, Malraux secoue par ses accents pathétiques la solennité compassée de la cérémonie. Il s'efface en hurlant : « Une fois de plus, au rendez-vous de la République et de l'Histoire, voici le général de Gaulle ! »
    L'apparition de celui-ci déchaîne les acclamations. Comme les « non » des ballons et des banderoles paraissent dérisoires...Comme l'écho des bagarres s'assourdit ! De sa voix forte, au timbre clair, de Gaulle trace la route :
    « Il était inévitable que la paralysie de l'État amenât une grave crise nationale et qu'aussitôt la République fût menacée d'effondrement... Le déchirement de la nation fut de justesse empêché... C'est dans la légalité que moi-même et mon gouvernement avons assumé le mandat exceptionnel d'établir un projet de nouvelle Constitution et de le soumettre à la décision du peuple. »
    Le silence s'est établi. Dans la foule autour de moi, composée surtout d'employés et d'ouvriers du quartier qui sortent de leur travail, les visages sont tendus.
    La pratique de la sociologie accoutume à tenir pour négligeable l'action d'un homme sur l'évolution d'une société. Dirigeants et dirigés paraissent enveloppés dans l'inextricable lacis de leurs dépendances réciproques. Sur les grands courants des mutations économiques et sociales, une volonté individuelle ne semble pas avoir plus d'effet qu'un bouchon de liège sur le mouvement des marées qui le portent.
    Pourtant, l'homme qui nous parle n'est-il pas en train de faire basculer l'Histoire dans un sens tout différent de celui vers lequel elle allait sans lui ? Une première fois, dix-huit ans plus tôt, il a pris la France en charge alors qu'elle gisait à terre, humiliée, et l'a hissée au nombre des vainqueurs. Depuis quelques semaines, il l'a redressée à nouveau, tandis qu'elle titubait de crise en crise.
    Il conclut sa harangue :
    « Si vous répondez oui, le résultat sera de rendre la République forte et efficace, pourvu que les responsables sachent désormais le vouloir... Le reste dépendra des hommes. »
    Sa Marseillaise est reprise par la foule. Pas un de mes voisins qui ne joigne sa voix aux autres. Sur plus d'une joue, et pas seulement de femmes, des larmes coulent.
    « Entre les communistes et nous, avait dit naguère Malraux, il n'y a rien... » Mais de quel côté se tournerait ce « rien » ? Le référendum et les élections législatives allaient en décider.
    1 De Gaulle est alors le dernier président du Conseil de la IV e République, depuis le 1 er juin 1958.

Chapitre 2
    « NOUS VAINCRONS SUR TOUTE LA LIGNE »
    23 septembre 1958.
    L'ancien ministre Marc Jacquet est venu me voir dans

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