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C'était De Gaulle - Tome I

C'était De Gaulle - Tome I

Titel: C'était De Gaulle - Tome I Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Alain Peyrefitte
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ma résidence secondaire de Seine-et-Marne : « Le Rassemblement 1 va se reconstituer, sous le nom d'UNR 2 , pour soutenir le Général. Nous comptons présenter un candidat dans chacune des cinq circonscriptions qui vont être créées dans ce département. Pour quatre d'entre elles, nous avons de bons candidats, des anciens du RPF. Pour celle de Provins, nous n'avons personne.
    — Je n'ai jamais adhéré au RPF, ni d'ailleurs à aucun parti.
    — Justement, si nous présentons un homme neuf parmi cinq candidats, ça fera bien dans le tableau. »
    Melun, 2 octobre 1958.
    Quelques jours plus tard, comme je lui donnais mon accord, Marc Jacquet m'avertit : « La difficulté sera de convaincre les militants. »
    Au Café du Commerce (c'est bien son nom), je me présente devant mes examinateurs, une quarantaine d'anciens du RPF, qui me lorgnent sans complaisance.
    « Vous n'êtes pas un gaulliste de juin 40 ! grogne l'un d'eux.
    — Non, répliqué-je sottement, je suis un gaulliste de mai 40 ! »
    Ai-je entendu l'appel du 18 Juin, ainsi que beaucoup croient l'avoir fait ? C'est plausible : nous écoutions en famille, depuis l'invasion du 10 mai, en fin d'après-midi, les informations de la BBC en français, que nous comparions ensuite, à leur avantage, au journal parlé du Poste parisien. Mais comment être sûr d'avoir été à l'écoute le 18 juin, puisque, les jours suivants, d'autres appels de De Gaulle ressemblèrent, à s'y méprendre, au premier ?
    En revanche, sans aucun risque de télescopage rétrospectif, impossible de douter d'avoir entendu, des semaines plus tôt, l'interview du chef d'une unité cuirassée, qui était présenté comme ayant remporté, dans l'Aisne, un grand succès contrel'ennemi. Cette voix si sûre d'elle-même et de la victoire à venir nous impressionna fortement 3 .
    Autour de mes quatorze ans angoissés, toutes les certitudes s'étaient écroulées. Ce chef rendait confiance. Il ne parlait pas sur un ton d'exaltation. Il martelait ses phrases avec la voix résolue d'un homme qui a examiné les données d'un problème et qui a trouvé comment le résoudre. Son discours se terminait comme un défi : « Nous vaincrons sur toute la ligne. »
    Quand je résume l'anecdote, Marc Jacquet s'esclaffe, aussitôt imité par les militants. Il sauve la situation, après l'avoir compromise : « Naturellement, Peyrefitte vient d'inventer cette histoire : jamais le Général n'a parlé avant le 18 juin ! Mais ça prouve qu'il ne se laisse pas démonter. »
    À la sortie, il me reproche vivement cette « fanfaronnade puérile » qui a « failli tout faire capoter ». « Prétendre en remontrer à de vieux gaullistes en ancienneté de gaullisme, c'est la faute majeure ! Alors qu'il était si facile de répondre qu'en juin 40, vous étiez en culottes courtes ! Ce qui, en plus, est la vérité. »
    Je sais pourtant bien que je n'ai pas eu d'hallucination. « Nous vaincrons sur toute la ligne. » Ce sont les seuls mots que je me rappelle, mais je suis sûr de ne pas les avoir rêvés. Tandis que sonnait pour la première fois à mon oreille ce timbre mâle et saccadé, je me souviens que ma gorge se serrait.
    Depuis la guerre, n'entendant jamais citer l'appel de mai 40, j'ai tenté d'en retrouver trace. Aucun livre, aucun article n'y faisait référence. Aucun historien, aucun collaborateur du Général, aucun membre de sa famille n'en avait entendu parler. Tous m'affirmaient péremptoirement, comme Jacquet au Café du Commerce, que de Gaulle ne s'était jamais exprimé à la radio avant le 18 juin.
    J'ai voulu en avoir le cœur net en interrogeant l'intéressé.

    « J'ai été submergé par la fureur »
    Dans la micheline présidentielle, au départ de la gare de l'Est, 22 avril 1963 4 :
    « Avez-vous gardé le souvenir, mon général, d'avoir parlé à la radio, après l'engagement de Montcornet, quand vous étiez encore colonel ? » Il bougonne : « Oui, c'était l'Etat-Major qui m'avaitenvoyé un correspondant de guerre. On voulait faire parler quelqu'un qui puisse remonter le moral des Français. Il n'y avait pas l'embarras du choix. »
    Il me semble que je l'agace ; je me hâte de changer de sujet.
    Pendant plusieurs années, je n'ai pas osé lui reparler de cet épisode. Il aurait été capable de m'assener un : « Je vous l'ai déjà dit.» Beaucoup plus tard, je saisis l'occasion d'une conversation détendue, en avion, pour le relancer.

    Retour de Cherbourg en Caravelle, 17 mars 1967.
    AP :

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