C'était de Gaulle - Tome II
important. Là, il est gagnant sur les protestants et même sur les orthodoxes. Il n'y a qu'une Église qui compte, c'est la sienne. L'essentiel, vis-à-vis de tout ce qui est chrétien et vis-à-vis de tout ce qui n'est pas chrétien, c'est l'Eglise catholique. C'est le pape. Et il peut prendre l'initiative. Et il crée un mouvement. »
Au Conseil du 15 décembre 1965, Couve rend compte de la cérémonie de clôture du Concile, à laquelle il a assisté le dimanche 12, à mi-chemin du premier et du second tour de l'élection présidentielle :
« Les messages ont été lus en français, langue internationale d'usage de l'Église catholique, maintenant que le latin n'est plus compris. Cet usage est confirmé par le rôle qui a été joué par notre clergé pendant le Concile. Le pape a été très aimable, et même effusif pour la délégation française. »
Après le Conseil, le Général me dit: « Inutile de parler de la clôture du Concile. L'Église romaine est plus soucieuse du français, que l'Église française ne l'est de la France. Mais c'est à ne pas dire. »
De nouveau, la souffrance, enfermée dans le silence.
On se prend à rêver de ce qu'aurait pu être la rencontre de De Gaulle avec Jean-Paul II. Comme il eût aimé entendre ce pape exalter la pérennité des cultures et des peuples, pousser sa propre patrie à se libérer, ébranler l'Empire soviétique, glorifier l'Europe des nations, secouer ses évêques et ses prêtres! L'Europe n'a pas eu la chance de voir ces deux hommes conjuguer leur vision et leur énergie.
1 Académicien — ex-ambassadeur de France auprès du Saint-Siège.
2 Actuel titulaire du poste.
III
«L'EUROPE DOIT S'ENFONCER COMME UN COIN ENTRE LES DEUX BLOCS »
LES NATIONS ET L'EUROPE
Chapitre 1
«LES IDÉOLOGIES PASSENT, LES PEUPLES DEMEURENT »
Au Conseil du 15 avril 1964, Joxe (ministre des Affaires étrangères par intérim) conclut ainsi son exposé:
« Les Russes et les Chinois ont oublié qu'ils étaient frères en marxisme-léninisme ; Khrouchtchev accuse les Chinois de vouloir la guerre, et de chercher à s'emparer du tiers-monde. Les Roumains vont abroger l'enseignement obligatoire du russe dans leur pays; les Polonais aussi veulent desserrer l'étreinte. On voit apparaître les nations. »
Le Général reprend du tac au tac : « C'est votre mot de la fin qui est le bon. Les exégèses sur les théories du communisme intéressent les mandarins. Mais la question qui compte, ce sont les nations. »
Il me précise, à l'issue du Conseil:
« Quid de la Russie? Quid de la Chine? Quid des satellites qui subissent des contraintes de la part de la Russie et de la Chine? Voilà le problème. Les disputes théologiques entre ces messieurs — si tant est qu'on leur donne cette appellation dont ils ne veulent pas — sont insignifiantes. On y attache beaucoup trop d' importance. Souvenez-vous, Peyrefitte, que les idéologies passent et que les peuples demeurent.
Salon doré, 21 octobre 1964.
Retour d'Amérique latine, le Général me dit: « Si ce voyage a eu une utilité, c'est de montrer que les nations ne demandent qu'à s'affirmer. Elles ne seront pas toujours prêtes à abdiquer leur souveraineté aux mains des deux super-grands. Elles prennent conscience du fait qu'elles doivent leur résister. La Chine en est plus que convaincue. Le Mexique, le Brésil, l'Argentine, le Chili aussi, au fond d'eux-mêmes, même s'ils hésitent à le proclamer. C'est la vocation de la France d'exercer son influence pour favoriser ce mouvement. Un jour viendra où tous les pays hostiles à la domination des deux géants se dresseront pour défendre leur indépendance. Ce jour-là sera le nôtre. »
Ce voyage a eu une autre utilité : le Général revient en pleine forme; il le constate et en est heureux. Il en a supporté allégrement les fatigues, quatre mois après son opération de la prostate. Rien ne le régénère autant que de sentir qu'il exprime devant le monde la mission de la France. Il redresse la tête et, en me regardant bien droitdans les yeux : « Il faut que la France soit la France. » Sans doute pense-t-il, en même temps: « Il faut que de Gaulle soit de Gaulle. »
« Sans doute ferai-je un référendum sur l'indépendance de la France »
Au Conseil du 12 novembre 1964, le Général constate les remous que provoque sa volonté de plus en plus évidente de s'éloigner de l'OTAN intégrée et de faire obstacle aux virtualités supranationales du
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