C'était de Gaulle - Tome II
Marché commun:
« Cette situation, les pressions qu'elle va entraîner, auront un effet cumulatif sur la politique intérieure. Nous jouons une partie importante à tous égards.
« Plus que jamais, le gouvernement doit souligner la nécessité de la cohésion de ceux qui se sont engagés à être solidaires, pour une certaine opération de redressement national qui est en cours sur le plan intérieur comme sur le plan extérieur.
« Cet engagement éclatant et solennel, il faut qu'ils le tiennent.
Ils ont été élus sur mon nom; il faut qu'ils le justifient. Sinon, il faudrait retourner devant le pays. Nous ferions un référendum comme en 62. Il aurait trait à l'indépendance nationale, avec tout ce qui s'y rapporte. Et nous ferions aussi, dans la foulée, des élections législatives. »
Pourquoi ne se décida-t-il pas à faire ce référendum? Après le succès éclatant des trois premiers 1 , il avait rêvé de trois autres: sur l'élection présidentielle au suffrage universel, sur le Sénat, sur l'indépendance.
62 % de oui pour l'élection populaire du Président, contre tous les partis sauf le sien : il considéra cette réponse du peuple comme un échec. Sans doute fut-il bien le seul; mais cela l'incita à la prudence. Il repoussa à beaucoup plus tard le référendum sur le Sénat. Après la déconvenue encore plus rude du ballottage à l'élection présidentielle de décembre 1965, il renonça complètement à celui sur l'indépendance, estimant sans doute que le compromis de Luxembourg 2 et le retrait del'OTAN 3 suffiraient à rendre irréversible son refus de la supranationalité.
Au Conseil du 9 décembre 1964, le Général déclare: « Notre devoir est de résister aux pressions des Américains et des Russes et d'encourager ceux qui, par le vaste monde, cherchent à échapper à la double hégémonie. »
Une sorte de beauté émane de lui, quand il lance ce défi. Foyer me passe un petit papier: « Deposuit potentes de sede, et exaltavit humiles » 4 .
« Le bout de ficelle, c'est Tito »
Au Conseil du 1 er juillet 1964, Joxe raconte sa visite en Yougoslavie. Il a été l'objet, et la France à travers lui, de grands honneurs.
« Tito est un héros national, qui aime jouer le professeur d'indépendance nationale: il souhaite que les "jeunes gens" (Roumanie et Pologne) sachent ne pas aller trop vite trop loin.
« Il se rapproche de nous: à cause de notre prestige parmi les nations du tiers-monde; et parce que notre politique réussit.
GdG (presque distant). — Nous avons toujours eu de bons sentiments à l'égard des Yougoslaves, surtout des Serbes. Quant à Tito, observons-le. »
Après le Conseil, le Général me répète à peu près mot pour mot —je le vérifie — ce qu'il m'avait dit voici deux ans 5 . Il ajoute quelques touches : « Joxe dit que Tito est un héros national. Moi, je veux bien. Encore faudrait-il qu'il y ait une nation yougoslave. Il n'y en a pas. Il n'y a que des bouts de bois qui tiennent ensemble parce qu'ils sont liés par un bout de ficelle. Le bout de ficelle, c'est Tito. Quand il ne sera plus là, les bouts de bois se disperseront.
« Le vrai héros national, c'était Mihajlovic 6 . Il ne se battait pas pour une idéologie, ni pour le système des Soviets. Il ne s'est pas mis en branle parce qu'un pays étranger l'y poussait. C'étaitsimplement un patriote. Il n'avait pas d'autre but que de libérer sa patrie. Il savait qu'aucun peuple ne peut être vaincu par la force.
(C' est le portrait de De Gaulle, d'un de Gaulle qui aurait échoué.)
« Seulement, il a été trahi, tourné sur sa gauche, abandonné par les siens et même par les Alliés! Il a été livré aux communistes. Et pourtant, c'est lui qui a fait perdre deux ou trois mois à la Wehrmacht au printemps 41. Il l'a mise en retard pour attaquer la Russie. Il a empêché les Allemands d'atteindre Moscou et Leningrad avant l'hiver. C'est peut-être lui qui a causé la perte d'Hitler. Il n'avait personne pour l'aider, sinon son patriotisme et ses patriotes. Le patriotisme a été vaincu par le communisme international. Mais tout ça se retournera un jour. »
Comme tous les épisodes de cette époque lui sont présents! Mihajlovic est pour lui un frère d'armes, un pur héros dont le destin tragique l'émeut. Entre le Général et Tito, il y aura toujours le sang de ce de Gaulle serbe.
« Un peuple dure plus longtemps que le cèdre »
Au Conseil du 13 octobre 1965, de retour d'une
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