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C'était de Gaulle - Tome II

C'était de Gaulle - Tome II

Titel: C'était de Gaulle - Tome II Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Alain Peyrefitte
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visite officielle de cinq jours qui m'a conduit en Serbie, en Croatie et en Slovénie, et où j'ai pu vérifier à chaque pas la justesse de l'intuition gaullienne sur l'inconsistance de la fédération yougoslave, je termine ainsi ma communication:
    « Les Yougoslaves aiment à dire qu'ils ont un État, deux alphabets, trois langues, quatre religions, cinq nationalités, six républiques et sept minorités. Dans cette mosaïque, chaque peuple a conservé son caractère, malgré les laminages successifs ou simultanés des différentes occupations: germanique, turque, française, autrichienne, italienne et allemande.
    « Des peuples qui ont été vassalisés et dépersonnalisés systématiquement, pendant cinq cents ans comme les Serbes, sept cents ans comme les Croates et les Bosniaques, ou mille ans comme les Slovènes, réapparaissent au bout de plusieurs siècles. Ils restent farouchement décidés à défendre contre tout empiétement leurs traditions et leur culture. Ce n'est pas un spectacle encourageant pour les amateurs d'intégration. »
    Après mon exposé, que le Général qualifie d'un « particulièrement intéressant », Foyer qui, placé en face de lui, peut mieux que moi scruter son visage, me fait passer un billet en latin: « Illum permovisti penitus usque ad animam » 7 . Comme tous les compagnons fidèles du Général, il est attentif à déceler chacune de ses expressions.
    Après le Conseil, le Général me dit : « Voyez-vous, Peyrefitte, ce que vous avez dit sur la Yougoslavie, c'est ça l'essentiel. Les peuples sont immortels; enfin, je veux dire qu' ils durent des siècles et des siècles, à moins d'être trop triturés par l'Histoire. Même s'ils sont dispersés et déplacés, ils arrivent à demeurer pareils à eux-mêmes. Voyez les Juifs, les Tziganes, les Tatars de Crimée, les Allemands de la Volga. À plus forte raison s'ils restent sur leur sol: il se crée, entre un peuple et la terre de ses morts, un lien que plus rien ne peut rompre.
    « Vous voyez ce qui est arrivé à ces Bosniaques, à ces Croates, à ces Slovènes qui ont été occupés pendant cinq ou dix siècles par les Turcs ou les Autrichiens. C'est comme une commode qui serait recouverte par une épaisse couche de poussière. On passe un plumeau et la marqueterie réapparaît intacte. Un peuple vit aussi longtemps que le cèdre.
    (Il m'avait dit une autre fois: " aussi longtemps que l'olivier ". Il pensait à "l'olivier de Platon", vieux de vingt-quatre siècles. Aujourd'hui, il évoque les cèdres millénaires du Liban.)
    « Cette permanence des nationalités en Yougoslavie, ça leur en promet de belles, le jour où Tito ne sera plus là pour s'asseoir sur le couvercle de la marmite. Il tient la Yougoslavie depuis vingt ans. Et il a résisté à Staline après avoir résisté à Hitler. Seulement, le jour où il s'en ira, les Croates, les Serbes, les Bosniaques mettront leur passion à lutter entre eux, comme ils l'avaient mise à lutter contre les Allemands. Ce sont des peuples guerriers.
    « La France a eu la chance d'échapper au malheur des Yougoslaves. Elle est une nation qui ne comporte qu'une nationalité. Elle a accueilli, mastiqué, assimilé tous les apports extérieurs.
    « Une nation, c'est une population qui a un passé commun et un avenir commun. Avons-nous un passé? Oui! le plus glorieux. La France, on l'appelait " la Grande Nation ". Au début du siècle dernier encore, elle était la première d'Europe, donc du monde. Avons-nous un avenir? Oui. Nous avons recouvré notre unité, et nos institutions nous donnent toutes nos chances de la garder. »

    « Les Irlandais savent ce que c'est que d'avoir été un satellite »
    Salon doré, 27 novembre 1963.
    Comme dissimulée derrière l'Angleterre, il est une nation vers laquelle de Gaulle se sent attiré: l'Irlande.
    AP : « Vous avez reçu le ministre des Affaires étrangères d'Irlande, Aiken. Il vous a posé la candidature de son pays pour le Marché commun?
    GdG. — Pas vraiment. Il m'a invité avec beaucoup d'insistanceà rendre visite à l'Irlande, si possible l'an prochain. Je n'ai pas dit non. Les Irlandais forment une vraie nation, une vraie patrie. Ils sont restés fidèles à eux-mêmes, à leur culture, à leur religion, à leur personnalité. Ils peuvent faire contrepoids à l'Angleterre, tellement ils la détestent. Ils savent ce que c'est que d'avoir été un satellite et d'avoir cessé de l'être par la force de leur volonté, même si

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