C'était de Gaulle - Tome II
»
Pompidou observe que, si la coopération culturelle soulève des difficultés d'application, c'est à cause de la France, qui, après 1945, a insisté pour que la culture et l'éducation soient de la compétence des Länder.
GdG : « Ne nous en plaignons pas! Ça ne serait pas notre intérêt d'avoir un Reich centralisé en face de nous! L'Allemagne est fédérale, c'est beaucoup mieux ainsi. »
Réflexion jacobine: il pense que la centralisation est un système intrinsèquement supérieur à la décentralisation. S'il avait vécu dans l'Allemagne renaissante des années 50, il penserait sans doute, au contraire, que l'organisation systématique de la diffusion des responsabilités à travers les Länder est à la source même du « miracle » allemand ; je n'ose le lui dire.
Entre 1965 et 1969, sa pensée évoluera fortement sur ce point.
« La politique de la France est de faire une Europe qui en soit une »
Après le Conseil, le Général, parlant lentement, comme pour que je prenne des notes, me donne une orientation plutôt apaisante à l'intention du public: « La politique de la France est de faire une Europe qui en soit une, qui existe par elle-même, qui ait son économie, sa défense, sa culture.
« C'est un sujet qu'il faut traiter objectivement et sans passion. La France est profondément attachée à la construction européenne. C'est dans un cadre européen que nous entendons désormais placer notre vie nationale.
« Nous bâtissons opiniâtrement le Marché commun. Nous aimerionsque les Britanniques soient en mesure d'y contribuer autant que nous.
« Nous souhaitons un système continental cohérent et resserré, et un système atlantique beaucoup plus distendu, où l'Europe serait à égalité avec les Américains, qui actuellement disposent de la totalité du pouvoir.
« Nous espérons que, dans un avenir aussi proche que possible, la Grande-Bretagne pourra évoluer assez pour s'amarrer au continent et le préférer au "grand large". Il est primordial qu'elle se mette en mesure d'accepter toutes les contraintes de notre Europe des Six. Il est clair qu'elle ne l'a pas encore fait. Les négociations pour sa candidature ne pourront reprendre que quand elle l'aura fait. »
« S'ils ne ratifient pas le traité, ce sera fini à jamais »
Un silence, puis le ton change. C'est celui des propos pour ma seule information, comme s'il tenait à ce que son porte-parole ne soit pas amolli par ce climat d'idylle:
« Il nous faut éviter de gêner les Allemands. Laissons donc faire Adenauer, qui doit encore se battre avec son Bundestag et avec ses propres ministres (rire sardonique). Le pauvre homme! Il en est encore là, à son âge! Mais il faut bien qu'ils comprennent que, s'ils ne ratifient pas ce traité, ce sera fini à jamais. Nous changerons d'orientation. »
1 C'est-à-dire le plan Fouchet d'union politique entre États.
2 Président de la Commission de la CEE.
3 La conférence de presse du Général, le 14 janvier 1963, repoussant et la candidature anglaise au Marché commun et la Force multilatérale, a provoqué une tempête.
Chapitre 4
«LES AMÉRICAINS POUSSENT LES ALLEMANDS À FAIRE DE NOTRE TRAITÉ UNE COQUILLE VIDE»
En attendant un éventuel renversement d'alliances, Moscou manifeste sa mauvaise humeur à propos du traité franco-allemand. Au Conseil du 13 février 1963, Couve commente: « Les Russes protestent contre le fait que rien, dans ce traité, n'exclut la coopération atomique; et contre le sort fait à Berlin, comme si Berlin faisait partie de la République fédérale.
« Ils craignent que l'Allemagne puisse entraîner les alliés dans une guerre contre l'URSS. La Pologne et la Tchécoslovaquie sont très sensibles à tout ce qui est dit sur le danger allemand.
Fouchet. — J'étais entré à Lublin vingt-quatre heures après l'Armée rouge. J'ai vécu avec le peuple polonais pendant deux mois. On haïssait les Russes; mais c'est l'Allemagne qu'on craignait. De même, dans le fond de l'âme russe, il y a une grande peur de l'Allemagne.
« Vous êtes un colosse formidable et vous nous faites une scène! »
GdG. — Vous avez raison. C'est le sentiment dont se sert Khrouchtchev, pour dresser les Russes contre le traité franco-allemand. Mais nous ne l'avons pas fait pour faire plaisir à l'Union soviétique. Nous l'avons fait pour conjuguer les Allemands avec nous, dans le danger international qui nous menace réellement, et contre lequel c'est notre devoir
Weitere Kostenlose Bücher