Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
C'était de Gaulle - Tome II

C'était de Gaulle - Tome II

Titel: C'était de Gaulle - Tome II Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Alain Peyrefitte
Vom Netzwerk:
N'est-il pas très engagé du côté américain ?
    GdG. — Sans doute, par tempérament et parce qu'il est un économiste, est-il plus tourné vers les Anglo-Saxons que vers la France. Mais je ne crois pas qu'il y ait rien là de définitif ni d'irrémédiable. D'ailleurs, je ne lui demande pas de choisir entre la France et l'Amérique. Il n'est pas en mesure de le faire. L'Allemagne est encore un pays protégé, avec la psychologie d'un pays protégé, qui a peur de ne pas l'être assez. Il n'a pas encore acquis l'indépendance, ni la confiance en lui-même qu'elle supposerait.
    AP. — À moins qu'il cherche à tirer parti à la fois de la France et des États-Unis en les mettant en concurrence ?
    GdG. — Oh, si Erhard veut jouer double jeu, il n'a pas beaucoup de chances d'aboutir ! Il a une marge bien trop étroite. Il ne peut pas s'appuyer sur l'Amérique contre la France, puis sur la Francecontre l'Amérique. Il ne peut que louvoyer et tirer des bordées entre deux bateaux de plus haut bord.
    AP. — Il proposera une relance du plan Fouchet ?
    GdG. — Oui. Il en parlera sans doute. Tout ça, ce sera du bavardage. Qu'est-ce que vous voulez qu'il en sorte ?
    « Pour le moment, on est sur des sables mouvants et je ne vois pas bien comment il pourrait en être autrement. Les seules réalités, pour longtemps encore, ce sont les nations. La nation française est maintenant debout, solide sur ses jambes. La nation allemande a les reins brisés (voilà que cette image lui revient). La nation belge, il y en a deux. Quant à la nation européenne, elle est encore à naître, si elle doit jamais voir le jour ; seulement, celle-là, elle ne s'enfantera pas en dix ans, mais en cent ans. »

    Élysée, jeudi 21 novembre 1963.
    Le nouveau Chancelier est venu pour renouer avec le Général le lien que son prédécesseur avait si solidement établi. Ils ont eu ce matin un premier tête-à-tête. Ils en auront un autre cet après-midi. Pendant que nous les attendons pour le déjeuner, les deux secrétaires d'Etat qui accompagnent Erhard, le docteur Westrick et mon homologue Günther von Hase, me font une confidence singulière : « Les relations entre de Gaulle et Adenauer ne pouvaient être qu'excellentes, puisque Adenauer était décidé à s'effacer en toute occasion derrière de Gaulle, à lui donner raison, à lui laisser prendre les initiatives, à s'y rallier ensuite. Le Chancelier Erhard n'est pas dans le même état d'esprit. Il ne veut plus être brillant second, mais premier ex-aequo. Il estime que les deux pays, les deux gouvernements, les deux chefs de l'Exécutif doivent s'avancer pari passu 1 . Ce sera peut-être plus difficile. »
    Quai d'Orsay, le soir.
    Au dîner que donne Pompidou face à Couve, je retrouve les deux compères. Je leur fais préciser les points sur lesquels la position de Bonn va changer. Réponse : 1. Adenauer « ne se souciait pas trop de l'opinion », il pensait qu'elle le suivrait. Erhard est « continuellement penché sur les études de démoscopie ». 2. Adenauer « ne souhaitait pas trop que la réunification se fasse, ou en tout cas qu' on en parle ». Erhard veut en faire «un objectif essentiel ». 3. Adenauer « ne voulait pas entendre parler de l'arme atomique ». Erhard voudrait arriver à une « parité avec la France ». En effet, ça va grincer.
    Pompidou était vert depuis le début du dîner. Après avoir péniblement prononcé son toast, il s'est effondré, la tête dans son assiette. On l'a emporté sans connaissance. Impressionnant.

    « Ce fonctionnement en dehors des gouvernements, ça fait des irresponsables »
    Au Conseil du 27 novembre 1963, Couve rend compte de la visite d'Erhard, les 21 et 22 novembre. Pompidou puis le Général se contentent de brèves interventions, comme s'ils suspendaient leur jugement. Mais une intervention de Pisani sur la négociation agricole fait découvrir un étrange fonctionnement du gouvernement fédéral : « Nous aurons à convaincre les Allemands de distinguer ce qu'il faut régler avant le 31 décembre et ce qui peut être retardé. Avec un peu de bonne volonté, on pourrait y arriver, quitte à arrêter la pendule.
    GdG : « Pourquoi parler d'arrêt de la pendule ? L'heure, c'est l'heure. Il faut exiger le respect des délais convenus. »
    (Il m'a déclaré de lui-même la semaine dernière : « On arrêtera la pendule ! » Devant moi, il était résigné à cette inévitable commodité. En Conseil, il n'admet pas cette

Weitere Kostenlose Bücher