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C'était de Gaulle - Tome II

C'était de Gaulle - Tome II

Titel: C'était de Gaulle - Tome II Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Alain Peyrefitte
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dans les gouvernements européens. Et aussi dans les Communautés, où on se demande : " Qu' est-ce qu'on va devenir ? Si de Gaulle déclare qu'il n'y a plus de Marché commun, il nous coupera les vivres." Et le gouvernement belge peut courir, et le luxembourgeois aussi, pour qu'on entretienne à grands frais dans leurs capitales toutes ces communautés qui auraient prouvé qu'elles ne servent à rien.
    AP. — Ce serait tout de même extraordinaire qu'on en arrive là !
    GdG. — Si on en arrive là, il faudra voir les choses de plus loin et se dire : on avait commis une erreur totale. On s'était imaginé qu'on obtenait un serment des dirigeants allemands. Mais la preuve aura été faite qu'ils sont d'une parfaite mauvaise foi.
    AP. — Si le Marché commun cesse d'exister, le traité franco-allemand cessera aussi?
    GdG. — Comment voudriez-vous qu'il subsiste, alors que le Marché commun aurait éclaté par la faute des Allemands? Bien entendu, nous dénoncerions le traité et nous renoncerions même à avoir des troupes en Allemagne.
    AP (bouche bée). — Mais la présence des troupes françaises en Allemagne, ça sert aussi la France ?
    GdG. — Si les Allemands veulent se laisser gouverner par l'Angleterre et l'Amérique, qu'ils le disent! Qu'ils comptent sur elles pour les défendre ! La France sera mieux défendue si nous ne nous lions pas les pieds et les mains dans une entreprise qui serait désormais sans objet.

    « Il n'est pas exclu que le Marché commun soit une machine impossible »
    AP. — Mais arrêter le Marché commun, ne serait-ce pas aller au-devant des désirs des Anglo-Saxons?
    GdG. — C'est bien le désir des Anglo-Saxons qu'il n'y ait pas de Marché commun. Les Anglais se disent: " On n'a pas voulu de nous dans ce Marché commun, faisons en sorte qu'il n'existe plus." S'ils y étaient entrés, il n'y aurait plus de Marché commun. Si leMarché commun, maintenant, ne peut pas progresser, parce qu'on céderait aux pressions anglaises et américaines, c'est encore une façon de le faire avorter. Il n'est pas exclu que le Marché commun soit une machine impossible.
    AP. — Dans ce cas-là, vous estimez que la preuve aura été faite que le Marché commun n'était pas né viable?
    GdG. — Si on n'aboutit pas avant le 31 décembre pour ces règlements agricoles, c'est la preuve que certains intérêts nationaux s'opposent à ceux des autres. Ceux de la Grande-Bretagne l'ont poussée à essayer d'entrer dans le Marché commun pour le faire éclater, et maintenant à faire pression pour que l'Allemagne sabote le développement du Marché commun. Ceux des États-Unis les ont poussés à jeter un pavé colossal dans la mare, le Kennedy Round. C'est ainsi. Il est possible que toutes ces belles constructions de l'esprit ne correspondent pas vraiment aux intérêts nationaux des pays en présence. Il sera entendu que ce n'est pas la France qui a empêché l'aboutissement du Marché commun.
    « Il faut être tout à fait serein. Si nous aboutissons le 31 décembre, nous pourrons nous dire que c'est grâce à l'attitude résolue que nous aurons prise. Et si on n'aboutit pas, ce sera la preuve de la nécessité de tenir compte avec réalisme des intérêts des États. On ne négocie pas pour se faire plaisir les uns aux autres. On négocie entre des intérêts nationaux.
    AP. — Pensez-vous que les Allemands vont briser à la fois le Marché commun et le traité franco-allemand?
    GdG. — Il n'est pas impossible que les Allemands calent. Ils se disputent entre eux. Erhard ne veut peut-être pas commencer sa carrière de Chancelier comme celui qui aura cassé à la fois le Marché commun et le traité franco-allemand.

    « Croyez-vous que nous ayons besoin du Marché commun pour respirer? »
    AP. — Est-ce que nous pourrons changer notre fusil d'épaule?
    GdG. — Mais bien sûr ! Croyez-vous que nous ayons besoin du Marché commun pour respirer? En face de la manœuvre des Anglais, des Américains et des Allemands, notre manœuvre à nous ce sera de dire: "La fin du Marché commun ne nous contrarie pas." Je n'avais pas été favorable à l'intégration européenne. Mais dès lors qu'on avait signé le traité de Rome, j'ai pensé, quand je suis arrivé aux affaires, qu'il fallait qu'on l'applique. S'il n'est pas appliqué, la France s'en tirera très bien autrement.
    AP. — Il y a une conviction, répandue dans les esprits, surtout dans la jeunesse, c'est que, sans l'Europe, la France ne sera plus

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