C'était de Gaulle - Tome II
Adenauer. Et puis Strauss 3 . Il y a des gens qui s'éloignent des Américains et se rapprochent de plus en plus de la France. Erhard a été très critiqué, au retour de son voyage récent aux États-Unis, de s'être aplati devant les Américains. Il avait fait un communiqué qui était parfaitement désagréable, je le lui ai dit.
AP. — Sur le Sud-Est asiatique...
GdG. — ...Et sur la Chine. Il n'a pas besoin de s'en mêler ! Pourquoi a-t-il besoin de condamner? C'est un peu fort! À quoi sert le traité franco-allemand? Il s'est laissé imposer ce communiqué par les Américains. Comme il se laisse imposer les armements américains, au lieu d'en faire fabriquer avec nous.
AP. — Il aurait voulu pouvoir dire, après votre rencontre de Bonn, que tout va bien avec tout le monde.
GdG. — Oui. L'idéal de la vie politique pour lui, c'est de dire qu'il est bien avec tout le monde dans des communiqués. Il est peut-être très fort en économie, mais finalement c'est un pauvre type. En tout cas, s'il n'y a rien à faire avec lui, nous n'avons pas de raisons, sous prétexte de lui faire plaisir, de négliger les bons rapports que nous pouvons établir avec l'Est. Pourquoi nous en empêcherions-nous ? Ça n'ira jamais très loin d'ailleurs, bien entendu, mais enfin ça peut mettre Erhard en angoisse. C'est toujours utile d'avoir un moyen d'inquiéter son partenaire. »
« Le Marché commun agricole, ça ne peut pas rater, ou bien le Marché commun lui-même ratera »
Salon doré, 22 juillet 1964.
GdG : « Si les Allemands continuent à se dérober, c'en est fini.
AP. — Le traité de Rome s'enlisera?
GdG. — Non! Il ne s'appliquera plus. Les Français n'iront plus à Bruxelles. La Commission de Bruxelles tournera dans le vide, etc.
AP. — Je le laisse entendre délicatement?
GdG. — Pourquoi délicatement ? Dites-le carrément.
AP. — Mais après l'adoption du règlement laitier à Bruxelles, la question est réglée?
GdG. — Pas du tout ! Elle n'est pas réglée parce que les Allemands n'y souscrivent pas. Ils ont des arrière-pensées, les Danois, les Anglais, la négociation Kennedy. Ils tiennent en suspens l'aboutissement agricole du Marché commun, pour que les Américains puissent inonder l'Europe de leurs produits agricoles.
« Il faut mettre les Allemands en face de leurs responsabilités, en face des réalités. Ils ne comprendront que s'ils s'aperçoivent qu'ils ont plus à perdre qu'à gagner, avec la fin du traité de Rome et la fin du traité franco-allemand. On ne s'en tirera pas autrement!
« Vous pouvez marquer de l'agacement de ces délais. Nous ne pouvons pas nous empêcher d'en éprouver quelque inquiétude, quant à l'avenir du Marché commun agricole, et par conséquent du Marché commun, puisqu'il n'y aura pas de Marché commun sans agriculture. Dites-le dix fois plutôt qu'une.
AP. — Vous emploierez un langage dur à l'égard de l'Allemagne, demain, dans votre conférence de presse?
GdG. — Dur, non. Mais enfin, assez raide. Il faut qu'ils comprennent. Ils ont deux épouvantes. Une, primordiale : l'Amérique. L'autre, c'est nous, qui ne sommes pas la principale, mais qui pouvons le devenir, si l'Amérique les laisse tomber. »
Il m'utilise pour faire monter la pression. Mais croit-il vraiment au scénario de l'échec ?
Lors du Conseil du 1 er juillet 1964, il s'est écrié: « Le Marché commun agricole, ça ne peut pas rater! Ou bien le Marché commun lui-même ratera. »
Dans la vivacité du ton, le Général dévoilait sa confiance. Elle tient dans ce syllogisme: « Les autres, notamment les Allemands, tiennent à leur Marché commun; or, ils ne l'auront pas sans mon Marché commun agricole; donc je l'aurai. »
« Le fond du peuple allemand a choisi le peuple français »
Salon doré, 26 août 1964.
AP : « Mon collègue von Hase m'a demandé, pour la télévision allemande, la copie du film réalisé par notre télévision pour commémorer la bataille de la Marne.
GdG. — Ah oui ? Voyez-vous, le fond du peuple allemand n'a pas du tout choisi l'Amérique! L'amitié avec la France lui est plus sensible. La réconciliation avec l'ennemi héréditaire, ça compte ! Les Américains, contrairement à ce qu'ils voudraient faire croire, ne sont populaires nulle part. Erhard, Schröder sont les hommes des Américains, ils n'aiment pas la France. Alors, ils se croient obligés déjouer entre l'alliance américaine, c'est-à-dire l'obligation d'obtempérer à tout
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