C'était de Gaulle - Tome II
Vous n'accepterez pas de traiter avec l'ancienne ?
GdG. — Bien entendu ! Je ne peux pas discuter avec Hallstein ni avec Mansholt. Ce n'est pas possible. Surtout après ce qu'ils ont dit.
AP. — Qu'on n'avait rien vu de tel depuis Hitler.
(Le Général n'a pas voulu répéter lui-même une pareille insulte, comme si la répéter, c'était déjà l'admettre.)
GdG (l'air méchant). — Mais non! »
Je crois qu'il m'en a voulu d'avoir formulé l'injure, ce qui revenait à la renouveler. Il reprend : « Ils se sont disqualifiés en tant que hauts fonctionnaires neutres, ce qu'ils prétendent être. » Puis, il répète, comme Caton son Delenda est Carthago 4 : « Il faut réviser le traité de Rome et renvoyer cette Commission. »
1 Cf. supra, p. 282.
2 Ministre des Affaires étrangères des Pays-Bas.
3 Les élections au Bundestag auront lieu le 18 septembre.
4 « Il faut détruire Carthage. »
Chapitre 16
«FAIRE PERDRE SON INDÉPENDANCE À LA FRANCE, CE N'EST PAS DANS LA VOCATION DE DE GAULLE »
Salon doré, 8 septembre 1965.
AP : « Les porte-parole des agriculteurs déclarent que vous auriez déclenché la crise, non pour défendre l'agriculture, mais pour mettre sur le tapis un problème politique nouveau, celui du vote à la majorité, qui leur est étranger, et qui bloque la solution du problème agricole. Ce malentendu devrait être dissipé.
« C'est à la force du poignet que j'ai obligé nos partenaires à accepter l'agriculture dans le Marché commun »
GdG. — Je ne suis pas responsable devant les notables de la paysannerie. Je suis responsable devant la France. Je ne traite que les affaires de la France, y compris les agriculteurs, qui en font pleinement partie. C'est par la force du poignet que j'ai obligé nos partenaires à accepter l'agriculture dans le Marché commun ; tout au moins en principe. Si jamais ça se réalise à la fin des fins, c'est seulement parce que je l'aurai voulu, puisque ça consiste pour nos partenaires à payer beaucoup plus cher leur alimentation et à verser des prélèvements qui reviennent surtout en subventions à notre agriculture.
AP. — La profession agricole devrait pouvoir comprendre qu'en vous protégeant contre le vote à la majorité, c'est toujours elle que vous défendez.
GdG. — Elle ne le comprendra probablement pas, parce que les gens de mauvaise foi ne comprennent jamais. Les professionnels de la représentation agricole, ce sont des démagogues, qui se foutent pas mal de l'intérêt général. Mais la France le comprendra. Et c'est la seule chose dont je me soucie, la France.
AP. — Depuis que la Commission Hallstein s'est ralliée aux propositions françaises sur le règlement financier, les représentants agricoles ne comprennent pas pourquoi nous ne nous entendons pas avec elle.
GdG. — Seulement, ce sont nos partenaires qui ne s'y rallient pas ! L'Italie nous a envoyés faire foutre. Les Allemands nous ont lâchés. Quant aux Hollandais et autres, ils disent : "Nous voulons bien, mais à condition que tout puisse être remis en question à partir du 1 er janvier prochain, lorsque tout sera décidé à la majorité." Alors, il est clair qu'il y a des clauses du traité qui ne doivent pasêtre appliquées. Nous n'acceptons pas de nous faire imposer des décisions contraires à nos intérêts primordiaux. »
« C'est le même processus que la décolonisation, mais en sens inverse »
Salon doré, 15 septembre 1965.
GdG : « Le vote à la majorité, voyez-vous, c'est le même processus que la décolonisation, mais en sens inverse. Quand nous donnons l'indépendance à la Côte d'Ivoire ou à l'Algérie, leur destin nous échappe ; elles deviennent pleinement responsables d'elles-mêmes ; nous cessons de l'être à leur place. Elles peuvent prendre des décisions qui ne nous plaisent pas, ou qui ne nous plaisent qu'à moitié. Tant pis, c'est leur affaire.
« Mais dans le traité de Rome, c'est l'inverse. Si nous passons, sans faire de réserve, à cette troisième phase, ça veut dire que les autres décideront à notre place, que nous cesserons d'être souverains, que nous perdrons notre indépendance. Par exemple, dans le domaine de l'agriculture ou de l'armement atomique, nous savons que notre cas est différent de celui des autres ; donc, nous serions en minorité, nous serions dominés, nos partenaires nous imposeraient leur volonté, pour un point que nous considérons comme essentiel.
« Donc, nous ne pouvons pas accepter
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