C'était de Gaulle - Tome II
c'est ce qu'on fait »
Salon doré, 29 septembre 1965.
GdG : « Il y a une chose importante : nous avons interrompu les négociations de Bruxelles. Voilà. Ça, c'est un fait (il tape sur la table du plat de la main). Il n'y a ensuite qu'une chose importante, c'est quand nous reprendrons ces négociations, si c'est le cas. Ce qu'on raconte n'a aucune importance (son poignet s'abat sur la table). Ce qui compte, c'est ce qu'on fait.
AP. — Encore faut-il pouvoir le faire, et ça dépend du climat qui se crée, de ce que les gens disent...
GdG. — Quand on n'agit pas, il n'y a pas de climat. Quand on agit, quand on explique ce qu'on fait, le climat, automatiquement (il tape encore sur la table), s'adapte à la nouvelle situation.
« Pour le moment, agir, c'est laisser la chaise vide, c'est plonger les partenaires dans l'angoisse. »
1 voir supra, p. 53.
Chapitre 17
«LES ALLEMANDS AVAIENT ÉTÉ MON GRAND ESPOIR, ILS SONT MON GRAND DÉSAPPOINTEMENT »
Salon doré, 15 septembre 1965.
AP : « Les Allemands ont très mal pris ce qu'a dit Cyrankiewicz 1 sur le caractère définitif de la ligne Oder-Neisse, après son entretien avec vous.
GdG. — Je sais. Mais ils ne retrouveront jamais les pays au-delà de l'Oder-Neisse. Alors, ils feraient beaucoup mieux d'en prendre leur parti et de nous foutre la paix. Ils se battent contre des moulins à vent. Il n'y a aucune espèce de chance qu'ils rattrapent jamais ces territoires. Nous-mêmes, nous ne nous soucions pas du tout de voir les Allemands recommencer à partager la Pologne avec les Russes. Alors, les Allemands s'indignent pour avoir les voix des réfugiés. Ce sont des démagogues ! C'est comme si nous, pour avoir les voix des rapatriés, nous passions notre temps à dire qu'on pourrait reconquérir l'Algérie... Ces politiciens allemands sont des pauvres types.
AP. — Leur argument, c'est que ça ne sert à rien d'abandonner cette carte avant la future conférence de paix.
GdG. — Ce n'est pas eux qui l' ont, cette carte ! Ce sont les Russes.
AP. — Les réactions des Allemands ont été beaucoup plus vives à ce discours de Cyrankiewicz qu'à votre conférence de presse 2 qui a dit la même chose.
GdG. — C'est électoral. Ils sont tombés à bras raccourcis sur le Polonais, à cause des réfugiés de l'Est, qui forment un paquet d'électeurs considérable. En revanche, ils avaient intérêt à me ménager. »
« Erhard, je voudrais bien qu'il devienne plus sûr de lui »
Au Conseil du 22 septembre 1965, Couve : « Les élections allemandes n'ont pas donné les résultats prévus : les deux partis à égalité. C'est un très net succès pour la CDU et pour Erhard. »
Après le Conseil.
AP : « Allez-vous féliciter Erhard d'avoir gagné ces élections ?
GdG. — Mais non ! Je ne peux pas complimenter un parti d'être vainqueur d'un autre parti ! J'attends qu'Erhard soit désigné comme Chancelier.
AP. — Ne craignez-vous pas que cette remontée de la CDU ne le rende très sûr de lui ?
GdG. — Je voudrais bien qu'il devienne plus sûr de lui vis-à-vis de ses ministres, qu'il prenne plus d'autorité sur eux, qu'il soit capable de diriger son gouvernement et son pays. Je voudrais bien aussi qu'il devienne plus sûr de lui vis-à-vis des Américains, qu'il s'arrache à sa dépendance à leur égard.
« Le succès de la CDU signifie que l'Allemagne est satisfaite de sa prospérité. Erhard sera plus atlantiste que jamais. » (Rire.)
« Nous ne pouvons plus avoir une politique commune avec l'Allemagne »
Salon doré, 13 octobre 1965.
AP : « Les journalistes sont très impressionnés par la visite que Couve va faire à Moscou ; certains, même, lui donnent un sens électoral et vous prêtent l'idée d'empêcher que les communistes soutiennent Mitterrand 3 .
GdG. — C'est stupide. Ça avait été décidé au moment de la venue de Gromyko à Paris 4 . Il lui rend tout simplement sa visite. Seulement, c'est important pour le développement de nos relations avec l'Union soviétique.
AP. — Ça ne va pas faire plaisir aux Allemands.
GdG. — Ce n'est pas fait pour leur faire plaisir. Mais les Allemands ont pris maintenant une position de dissidence par rapport à notre traité de coopération et d'amitié. Nous ne pouvons pas les en empêcher.
« L'Allemagne suit sa voie, et ce n'est pas la nôtre. Elle cherche la réunification à tout prix, et sans délai ; elle ne l'aura pas tant que les Soviets tiendront debout. Elle est prête à
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