C'était de Gaulle - Tome II
7, vous m'aviez donné comme consigne de me draper dans le silence.
GdG. — Oui.
AP. —Alors, je me suis fait évasif. Du fait que je n'ai pas répété mes propos fracassants, ils ont conclu que nous devenions plus mous.
GdG. — Bon. D'ailleurs, pour le moment, il n'y a absolument rien de nouveau. De toute façon, ça va durer longtemps.
« En réalité, nous l'emporterons, n'est-ce pas ? Cependant, nous ne l'emporterons pas tout de suite, parce que nous voulons l'emporter complètement. Si nous voulions faire tout de suite un compromis ou plus exactement faire adopter le règlement financier le 26 juillet, ce serait fait, vous pensez bien. Seulement, il resterait toutes sortes d'hypothèques, que nous voulons éliminer à cette occasion.
AP. — Pensez-vous aller jusqu'à la révision du traité ? GdG. — D'abord, je ne vois pas pourquoi on ne réviserait pas letraité. Si les Anglais entraient dans le Marché commun, on le réviserait tout de suite, du moins nos cinq partenaires y seraient tout disposés. Alors, pourquoi serait-il intangible pour nous, alors qu'il ne l'est pas pour l'Angleterre ? Ensuite, il est possible qu'on laisse les textes dormir, mais qu'on fasse un protocole, comme on fait pour les traités qu'on ne veut pas appliquer. C'est très facile. »
« Ce qu'il faut liquider, c'est l'histoire du vote majoritaire »
Salon doré, 21 juillet 1965.
AP : « Vous ne pensez pas que les entretiens bilatéraux avec Luns 2 , Spaak, etc. peuvent faire avancer les choses ?
GdG. — Non. Ma résolution est absolument prise. Je suis décidé à ne fixer aucune entrevue jusqu'à la fin de l'année. Ceci dit entre nous, à la fin de l'année, on les ramassera à la cuillère. Nous obtiendrons : que la Commission soit totalement liquidée ; qu'on s' engage à ne plus parler de supranationalité et notamment de vote à la majorité ; et qu'enfin, nos partenaires acceptent le règlement financier tel que nous l'envisagions.
(Ça, c'est pour moi, et c'est pour plus tard. Mais je n'arrive pas à écarter l'idée que le 26 juillet, dans cinq jours, les Cinq peuvent retourner la situation psychologique. Je le pousse sur ce scénario.)
AP. — Jusqu'à maintenant, l'opinion, en France, a compris notre position, nos partenaires étant défaillants. Mais, supposons qu'ils nous donnent leur accord pour le règlement financier qu'ils avaient refusé le 30 juin. Si nous disons : "Ça ne nous intéresse plus, car nous voulons liquider la supranationalité ", notre position sera moins bonne.
GdG. — Non. Nous voulons que la question soit tranchée réellement. Or, le vote à la majorité permet de revenir dessus. C'est bien ce sur quoi comptent toutes les ficelles genre Schröder ou Erhard. Ils se disent : "Même si on fait semblant de mettre les pouces pour le règlement financier, nous nous arrangerons pour revenir dessus l'an prochain, avec le vote à la majorité." Et la France ne pourrait rien dire.
« Ce qu'il faut liquider par-dessus tout, c'est ce vote à la majorité. La France ne peut pas accepter qu'il puisse tout remettre en cause. »
Conseil du 28 juillet 1965.
Les cinq ministres des Affaires étrangères se sont réunis à Bruxelles — sans Couve. Ils ont fait un geste pour se rapprocher de la position française, en acceptant les propositions financièresprésentées par Giscard en juin. Mais ils n'ont pas réussi à créer un fait nouveau.
GdG : « Ces réunions, ça suffit comme ça. Il faut faire comprendre à nos partenaires que ce serait désobligeant que leurs conciliabules recommencent sans nous. Il n'y a pas de Communauté sans la France. »
« On garde un silence effrayant »
Salon doré, après le Conseil.
AP : « Je dis quelque chose, à propos du Marché commun ?
GdG. — Non. On garde un silence effrayant.
AP. — Je serai questionné sur la réunion des Cinq.
GdG. — Nous n'y étions pas. Ça ne nous regarde pas.
AP — Au fond, vous souhaitez, à l'occasion de cette crise, rattraper ce que vous aviez tenté de faire en 61, avec le plan Fouchet, en proposant une coopération européenne organisée en dehors de la Commission de Bruxelles.
GdG. — Oui. Une coopération organisée qui, dans mon esprit, devait coiffer Bruxelles, et par conséquent, empêcher qu'il y ait jamais de décisions économiques importantes sans l'assentiment obligatoire de la France. C'est d'ailleurs une des raisons pour lesquelles les autres l'ont refusée.
AP. — La Commission avait peur
Weitere Kostenlose Bücher