C'était de Gaulle - Tome II
boutade du Général ? On ne va pas démissionner pour si peu.
« Excusez-moi d'être banal ! »
Au Conseil du 19 juin 1963, Giscard fait un nouveau point de la situation économique. « La croissance va bien : plus de 5 %. Les exportations augmentent de 8 %. Mais les importations font un bond de 37 % ; cette croissance anormalement rapide est favorisée par le marché unique européen...
GdG (le coupant). — Le Marché commun avait commencé par stimuler notre activité ; maintenant, il stimule les importations et l'inflation !
Giscard (imperturbable). — Cette tendance se maintiendra inéluctablement.
GdG. — Pour le budget 64, il y aura des décisions importantes à prendre. En réalité, nous n'arrêtons pas les prix. Leur progression de mai 62 à mai 63 est de 5,5 %.
« Pour les échanges et les paiements extérieurs, c'est la consommation pure et simple qui s'accroît ; ce n'est pas l'importation des matières premières pour l'industrie, ce qui serait sain. Excusez-moi d'être banal ! Que fait-on, en pratique, pour les prix, pour les dépenses budgétaires ? C'est là qu'il faut agir ! »
Quand la discussion devient trop technique ou s'enlise, le Général nous ramène aux réalités : « En pratique ?» ou : « Qu'est-ce qu'on fait ? » Cette fois, il n'obtient pas de réponse.
Pompidou : « La formation professionnelle est essentielle. Le patronat est décidé à faire un gros effort à cet égard.
GdG (il ne rate pas une occasion de donner un coup de griffe au patronat). — Qu'il le fasse ! C'est à lui de le faire ! Il n'est pas à la hauteur de sa tâche ! »
Finalement, le Général recentre son inquiétude :
«La situation économique est satisfaisante dans l'ensemble, puisqu'il y a poursuite de l'expansion. Mais avec un certain nombre de points faibles : les prix, les salaires, les importations, des menaces sur l'équilibre financier. Il faudra y mettre bon ordre. »
« Voulez-vous citer ces héroïques ministres ? »
« Il faudra y mettre bon ordre », a dit le Général : cette instruction se traduit, au Conseil du 10 juillet 1963, par un nouveau collectif, que marque cette fois l'austérité. Giscard annonce: «Certains ministres n'ont pas demandé d'augmentation budgétaire.
GdG. — Voulez-vous citer ces héroïques ministres ? » Puis il se ravise : « Ce serait difficile, ça ferait apparaître ceux qui ne sont pas dans ce cas. »
Une demi-douzaine de ministres se hasardent à risquer des plaintes — on peut penser qu'ils n'ont pas figuré parmi les héros.Leurs collègues les écoutent avec amusement, appréciant en connaisseurs ces répliques de commedia dell'arte.
Grandval : « Toute la vie de mon ministère dépend de ce collectif ! La formation professionnelle trinque.
GdG. — Vous n'êtes pas seul ! L'Éducation nationale trinque aussi.
Pompidou. — Tous les ministres sont appelés à trinquer. Tous ont sur leur propre budget la même sensation d'intense privation.
Fouchet. — La comptabilité de l'Éducation nationale est tenue sur des cahiers d'écoliers. Dans ce ministère, tout est primitif.
Foyer. — Mes services sont installés dans des couloirs. À la Cour de Sûreté, les magistrats sont transportés dans des autobus et conduits dans une caserne ; ils boudent.
GdG (sur un ton grave). — Vous ferez bien de m'en parler. (La sûreté de l'État fait partie du "domaine réservé" — celui où il se réserve le droit d'intervenir directement.)
Pompidou (inquiet de cette invite, mais s'adressant à Foyer). — Il ne faut pas parler de ces questions à la légère.
Foyer. — Mais ce n'est pas léger du tout ! Quand aurai-je l'occasion de soulever les problèmes, sinon pour mon budget ? »
« Il faut reprendre la question ab ovo »
Il en profite pour se plaindre de manquer de médecins dans les prisons. Pompidou trouve une solution qui ne coûterait rien : « Je demande que le ministre des Armées mette à la disposition des prisons centrales des médecins de l'armée.
GdG. — Ceux-là, ils donnent des certificats de complaisance pour permettre aux soldats de faire le mur sans se fatiguer. Si vous les mettez dans les prisons, ils vont les vider ! »
C'est l'ancien chef de corps qui parle — et le rapprochement est si inattendu qu'il déchaîne nos rires. Quelques instants plus tard, c'est la perplexité que fait naître une de ses expressions :
Jacquinot 3 : « Les territoires d'outre-mer aspirent à l'indépendance, pour imiter leurs voisins.
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