C'était de Gaulle - Tome II
L'inflation est une conséquence naturelle de la situation d'expansion et de progrès où nous sommes.Mais il faut faire une mise au point vigoureuse pour éviter le dérapage. C'est ce qui sera fait. »
« Il faut accommoder »
À la suite du Conseil du 4 septembre 1963, où rien n'a été dit sur le sujet, je demande au Général : « Craignez-vous que la hausse des prix mette en cause le rôle de la France dans le monde ?
GdG. — Bien sûr ! Tout se tient. Comment voulez-vous que notre indépendance politique soit assurée, si nous n'assurons pas notre indépendance économique ? Il nous faut raffermir la stabilité économique, comme elle l'avait été déjà par les mesures de fin 58, qui nous ont permis de connaître l'essor et le regain de prestige que nous avons connus.
« On ne peut pas grandir, se développer, se réformer, sans qu'il soit nécessaire de temps à autre de faire une mise au point. Il faut accommoder. (Il appuie sur le mot.) Il y a longtemps que nous n'avons pas accommodé. »
« Qu'on ne se borne pas à des mesures fractionnelles »
Au Conseil du jeudi 12 septembre 1963, Giscard présente ce qui va, le soir même, être connu comme le « plan de stabilisation ».
Giscard : « Il y a une tendance inflationniste. Nous devons faire une opération de prix stables, sans quoi, dans un an, il y aurait un arrêt brutal des exportations et la certitude d'une dévaluation. Il faut arrêter la hausse, encadrer l'évolution actuelle, préserver l'expansion tout en l'assainissant. »
Il énumère les mesures qu'il propose : pour la production industrielle, instaurer un régime de liberté contrôlée ; abaisser les droits de douane ; surseoir aux hausses des tarifs publics et des loyers ; stabiliser les prix alimentaires.
Il termine par une sorte de défi : « S'il y avait des faiblesses dans l'exécution de ce plan, ceux qui en ont pris l'initiative n'auraient pas vocation pour en assurer le soutien. » Façon de dire : 1. Je revendique l'initiative de ce plan. 2. J'offre d'avance ma démission pour le cas où il n'aboutirait pas.
Le Général ne bronche pas, mais il me semble qu'il se rembrunit. Je ne suis pas sûr qu'il aime ce genre de défi lancé quasi publiquement, puisque ce propos sera sûrement répété. D'autant qu'à ses yeux, l'initiateur de ce plan n'est autre que lui-même.
Plusieurs ministres prennent spontanément la parole. Le Général s'impatiente des remarques décousues faites par l'un ou l'autre. Il n'a nullement l'intention d'engager un tour de table où, forcément, chaque ministre chanterait sa complainte personnelle.Il nous ramène à l'essentiel : « Sous la République de Weimar, le commerçant allemand qui vendait une chaussure ne pouvait plus, avec le prix de la chaussure, qu'acheter un clou pour la ressemeler. Voilà ce qui nous menacera, à la longue, si nous ne faisons rien. »
Pompidou raconte sa campagne de consultations confidentielles : « Le CNPF est sans enthousiasme. Les syndicalistes sont frappés par le sérieux de nos mesures ; ils se grattent l'oreille ; ils sont portés à s'abstenir. Également, bonne impression du côté de l'UNR et des républicains indépendants, ainsi que des journaux de province. Les agriculteurs, en revanche, feront des tentatives sérieuses pour contrecarrer notre action. Au cours de ces entretiens, une discrétion totale a été assurée. »
Ce décor planté, c'est au Général de conclure.
GdG : « Ce qui arrive devait arriver. Nous sommes en pleine expansion, dans des conditions qui nous surprennent nous-mêmes. Nous n'y sommes pas habitués. Jamais, jusqu'à présent, un grand pays d'Occident n'avait connu une pareille croissance.
« Il y a une source d'inflation dans tous les pays du Marché commun, une psychologie et une pratique de facilité dans les crédits, dans la dépense, dans la consommation, dans les prix et ainsi de suite. Dans tous les domaines, j'entends qu'on ne se borne pas à des mesures fractionnelles. Il fallait un plan à effet général. Je l'approuve, à part un ou deux détails.
« Aujourd'hui commence la bataille »
« Cet ensemble doit réussir, sauf si tous les Français devaient le saboter. Mais je crois qu'il y aura une assez grande bonne volonté latente. Ce qui est proposé est important, mais n'a rien de terrible ni d'excessif. Dans la présentation de ce plan, n'exagérons pas non plus la rigueur.
« Pour les recettes, il faut étendre l'impôt sur le revenu des cadres. Je
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