C'était de Gaulle - Tome II
dans la voie choisie. »
Pendant le Conseil, Giscard m'avait fait passer un communiqué technique qu'il souhaitait me voir lire, et qui commençait ainsi : « M. Giscard d'Estaing a fait une communication sur la politique monétaire qu'il entend suivre. » À la fin du Conseil, il me redemande le texte et corrige : « la politique monétaire qui sera suivie ». Il a perçu l'agacement de Pompidou et en a tiré aussitôt les conséquences.
Le Général m'entraîne au Salon doré.
« Voyez-vous, me dit-il, quand on rencontre des difficultés, ce n'est pas le moment de tourner casaque, c'est le moment de persévérer. Le meilleur moyen de se perdre en forêt, c'est de changer de direction. Si on continue tout droit, on en sort forcément. »
C'était le conseil de Descartes. Le Général l'a toujours fait sien.
1 J'ai eu plus tard connaissance d'une note sur ce thème que son conseiller Jean-Maxime Lévêque avait remise au Général. Celui-ci l'avait assimilée parfaitement et récitait ces chiffres sans aucun papier sous les yeux, allant droit à l'essentiel. Pompidou et Giscard ne pouvaient pas ne pas être ébranlés par la détermination du Général et la justesse de ses informations.
Chapitre 5
« L'IMPASSE, C'EST FINI ; L'INFLATION, C'EST FINI»
Au Conseil du jeudi 2 avril 1964, Giscard : « Le plan de stabilisation n'a pas atteint son terme. Le découvert de 1965 devra être inférieur à celui de 1964.
GdG (le coupe vivement). — Il ne faut pas de découvert en 1965. La stabilisation est à ce prix. Le budget doit être équilibré.
Giscard (comme s'il n'avait pas entendu, poursuit sur sa lancée). — La croissance des masses budgétaires reste forte.
GdG. — Il ne faut pas non plus que l' augmentation des dépenses publiques dépasse celle du revenu national.
Giscard. — Il y a des ministères dont les dotations doivent diminuer, d'autres où des majorations sont nécessaires. Il appartient au ministère des Finances de mieux doter certains secteurs au détriment des autres. (Pompidou lève les yeux au plafond : n' est-ce pas le rôle du Premier ministre de faire ces arbitrages ? Mais il ne relève pas le propos.)
« Il faut que la part de l'État dans l'économie soit contenue »
Pompidou. — Deux objectifs : 1) Que les dépenses ne croissent pas plus rapidement que le PNB. 2) Qu'il y ait un véritable équilibre budgétaire. Or, un grand nombre de décisions prises en 62, 63, 64 arrivent en année pleine et jouent lourdement. On aboutirait facilement à une expansion du budget beaucoup plus forte que la croissance. Chacun des ministères doit donc réduire les dépenses.
Foyer (tragique). — La réforme des greffes est indispensable ! Nous avons des greffes anachroniques ! Ça a toujours été retardé !
GdG. — Il n'est pas impossible que vous soyez assez ingénieux pour vous tenir à votre plafond. » (Rires.)
Foyer répond à la saillie du Général par une autre : « Je suis si pauvre, que je pourrais dire comme l'apôtre : "Aurum et argentum non habeo " 1 . » (Il s'attire un succès de rires, mais sa démonstration y perd en force de persuasion.)
Après le Conseil, je demande au Général : « Je vais dire que des compensations aux dépenses nouvelles seront réclamées à chacun des ministres dépensiers ?
GdG. — La rigueur s'impose à nous. Ce n'est pas seulement un problème d'équilibre des dépenses et des recettes, mais il faut que la part de l'État dans l'économie soit contenue. Sinon, on va non seulement vers une inflation proprement dite qui emporte la monnaie, mais vers une inflation du rôle de l'État au sein de la société. Nous avons atteint une limite qu'il ne faut pas dépasser 2 . L'État doit veiller aux équilibres ; à plus forte raison, il ne doit pas lui-même mettre en danger l'équilibre par sa propre masse.
AP. — Équilibre, rigueur ; la part de l'Etat dans l'économie nationale doit être stabilisée ; et les dépenses nouvelles doivent être compensées par des économies.
« Il ne faut pas d'impasse du tout en 1965. Dites-le bien »
GdG. — Ce serait trop absolu. Il ne faut pas trop épiloguer. Dites simplement que le budget de 1965 doit être préparé avec rigueur pour établir l'équilibre budgétaire.
AP. — Vous voulez dire que le budget 65 doit être en équilibre ?
GdG. — Absolument. Il ne faut pas d'impasse du tout en 1965. Dites-le bien. »
Dès que j'annonce à la presse que le budget de 1965 sera en équilibre,
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