C'était de Gaulle - Tome II
est supérieure aux prévisions.
GdG. — Je n'ai rien à dire pour le moment. »
J'aime cette conclusion sobre. Il donne l'impulsion. Puis il observe la manœuvre, dont le déroulement ne lui incombe pas. Il attend qu'elle se déroule jusqu'à son terme. Il jugera sur le résultat.
« Il n'y a pas contradiction entre l'expansion et la stabilité »
Au Conseil du 8 janvier 1964, Giscard se dit préoccupé de la courbe de la production, qui, en novembre, a régressé. Ce qui repose la question du blocage des dépenses d'investissement de l'Etat.
Pompidou annonce : si les procédures de déblocage ne sont pas automatiques, l'arbitrage devra remonter à Matignon, et non au ministère des Finances. (Pompidou retire à Giscard ce formidable levier de puissance qu'est la décision de débloquer ou non. La mine de Giscard s'allonge.)
GdG : « Le plan de stabilisation se déroule. Il est loin d'être à son terme. Ce qui est fait — budget, crédit, banques — suit son cours. C'était indispensable. La réalité, c'est qu'il n'y a pas contradiction entre l'expansion économique et la stabilité monétaire. L'acuité de la revendication des salaires en est émoussée.
« L'ensemble du plan est satisfaisant. Je ne crois pas qu'un seul secteur soit menacé. Je ne dis pas qu'une affaire en particulier ne l'est pas, comme la sidérurgie, mais ça serait venu de toute façon.
Grandval. — Il y a quand même des licenciements collectifs. Des entreprises ferment, comme la fonderie de Saint-Nazaire. On met au chômage des ouvriers qualifiés. Nous n'arrivons pas à décider ces travailleurs à changer de région. On ne peut donner le goût de la mobilité à des travailleurs qui en sont dépourvus. »
Deux ministres qui sont au contact des difficultés, Giscard et Grandval, tirent la sonnette d'alarme. Pompidou se veut rassurant pour éviter tout stress au Général. De Gaulle, olympien, se confirme dans son optimisme, c'est-à-dire dans sa conviction d'avoir raison.
Après le Conseil, le Général me montre qu'il a néanmoins l'œil fixé sur l'indicateur de l'expansion : « Il y a un ralentissement des affaires. Mais moins qu'on ne le craignait. Il faudrait suspendre le plan si nous entrions dans la récession. Nous resterons longtemps sur le fil du rasoir. »
Conseil du 22 janvier 1964. Le bruit court que « ça va mal ». Missoffe, gouailleur : « Il y a de l'eau dans le gaz. » Giscard aborde le sujet qui, pour le Général, est le bon : celui de la « masse monétaire ».
Giscard : « Ce serait une simplification excessive d'imputer nos difficultés économiques aux mécanismes monétaires, mais ils ont une assez large part de responsabilité. Les mesures techniques que je propose visent à réduire la masse monétaire.
GdG. — Les banques conserveront les mêmes montants de bons du Trésor ?
Giscard. — Leur nombre n'augmentera pas. (Le Général peut comprendre qu'il ne diminuera pas !) On va vers un encadrement du crédit bancaire.
GdG. — Vous ne serez pas au bout de vos peines ! Il est regrettable que l'augmentation de la masse monétaire soit toujours supérieure à l'accroissement de la production.
Giscard. — Il est normal que l'accroissement de la masse monétaire soit supérieur à celui de la production. »
Le Général et Giscard viennent de formuler en deux phrases une opposition radicale de leurs principes (le « regrettable » de l'un étant le « normal » de l'autre). Pompidou intervient pour marquer son autorité, et revenir au plan d'ensemble :
« Les mesures que vient d'exposer le ministre des Finances sont le résultat de nombreuses réunions à Matignon (sous-entendu : "Il se garde bien de dire que tout cela a été préparé autour de moi" ; mais chacun, autour de la table, sait bien que c'est parce que le Général a imposé le tout). J'ajouterai seulement deux points :
« 1. Le déroulement du plan de stabilisation est délicat. Nous avons à la fois une politique libérale de vérité, et une politique dirigiste : c'est une contradiction.
« 2. Une politique de déflation, même si elle est prudente, ne peut pas s'accompagner d'une aisance du marché financier.
« Le plus sûr moyen de se perdre en forêt, c'est de changer de direction »
GdG. — Au total, on n'est pas près de finir. Mais je ne crois pas que nous soyons dans la déflation pour si peu. Nous limitons l'inflation dans laquelle nous étions entraînés. Si ce n'est pas suffisant, il faudra aller plus loin
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