C'était de Gaulle - Tome II
un budget déflationniste, mais un budget non inflationniste. Ce qui fait que, pour les jeunes, c'est-à-dire pour l'avenir, c'est énorme. C'est révolutionnaire ! »
Si faire la révolution, c'est casser les habitudes, il n'a pas tort. Mais je me garderai de reprendre le qualificatif, tant il serait difficile d'associer l'idée de révolution et cette sobriété de l'État...
« Pourquoi voulez-vous que le plan de stabilisation ait un effet sur l'élection présidentielle ? »
Au Conseil du 29 juillet 1964, Giscard aborde un point délicat : « Les collectivités publiques et locales doivent respecter la ligne que l'État s'est fixée pour lui-même. Le budget des communes et des départements représente le tiers de celui de l'État. La progression de leurs dépenses est très forte. »
Directement visé, le ministre de l'Intérieur reste silencieux. Seul Triboulet, conseiller général de Tilly-sur-Seulles, monte au créneau : « La population n'est pas sensible à l'équilibre budgétaire. Elle souhaite une modernisation profonde. Quand le général de Gaulle lui dit : "Nous allons vers le progrès ", ça la touche. S'il lui dit: "mais ralentissons les dépenses ", elle ne suit pas. Les municipalités les plus populaires sont celles qui vont de l'avant. Inciter les collectivités locales à réduire leurs dépenses en année électorale, c'est suicidaire.
GdG (pédagogue et bonhomme). — Il faut que cette expansion ne dépasse pas les moyens que permet l'accroissement du revenu national. Ce que l'État a pour devoir et honneur de faire n'est pas toujours agréable. Ce n'est pas une raison suffisante pour ne pas le faire. »
Après le Conseil.
AP : « Vous ne craignez pas que ces dispositions soient dangereuses avant les élections municipales ?
GdG. — Je ne vois pas quelle incidence notre attitude peut avoir sur ces élections municipales. On ne peut pas savoir dans quel sens.
AP. — Et sur l'élection présidentielle ?
GdG. — Pourquoi voulez-vous que le plan de stabilisation ait un effet sur l'élection présidentielle ? Il s'agit de faire comprendre que nous modérons l'expansion pour ne pas risquer la culbute, alors que nous y allions tout droit. Les gens peuvent comprendre ça. »
On dit partout que le Général méprise les Français. Mais ne s'en fait-il pas plutôt une idée trop haute ?
Au Conseil du 16 septembre 1964, Giscard présente ce budget enfin bouclé, dont nous sentons bien autour de la table l'importance politique, même s'il a fait souffrir plus d'un ministre :
« 1) L'impasse budgétaire est supprimée ; 2) la masse des dépenses budgétaires n'augmentera pas plus que la production ; 3) priorité aux investissements publics, qui augmenteront de 10 % ; 4) allégements fiscaux. En revanche, je souhaite moraliser les exonérations d'impôts pour dépenses somptuaires des sociétés (on exclura les chasses, les yachts, le tourisme au-delà de 20 000francs, les résidences secondaires, les cadeaux d'entreprise, les restaurants quand la note dépasse 35 francs 1 par personne).
GdG (prompt à deviner la réaction du contribuable moyen). — Ça fera sourire.
Giscard. — C'est comparable à ce que font la Suède et les États-Unis. Ensuite, nous lutterons contre la publicité routière. Il faut faire disparaître cette disgrâce du paysage français, ce qui entraînera une perte de recettes. »
Giscard s'étend sur ces aménagements, laissant, sans doute, au Général le soin de souligner l'équilibre de l'ensemble. Chacun autour de la table s'attend à un commentaire solennel. Peut-être est-ce pour cela que le Général nous en prive. La surprise est dans le silence, façon de dire que « ce budget est normal » ; enfin normal.
Après le Conseil, où l'on a aussi délibéré des options du V e Plan, le Général me les résume ainsi, sans disposer d'aucune note sur sa table, nette comme d'habitude :
« 1. L'expansion se poursuivra à un rythme voisin de 5 % l'an.
« 2. Des indicateurs d'alerte permettront d'assurer la défense de la stabilité et du plein-emploi.
« 3. Les industries et les exploitations agricoles seront rendues plus compétitives vis-à-vis du Marché commun.
« 4. L'effort de recherche scientifique et technique sera intensifié.
« 5. La consommation privée augmentera de 24 à 25 % en cinq ans, tandis que les fonds affectés aux tâches de défense, de progrès culturel et social, de solidarité intérieure et extérieure, augmenteront de 40
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