C'était de Gaulle - Tome II
qu'il y ait de raison de s'opposer à l'augmentation du SMIG, puisque l'ensemble des salaires n'est pas affecté par lui. Comme il y a eu, par triche, soit dans le secteur public (il ne l'a pas digéré), soit dans le privé, des augmentations considérables, la question du SMIG se pose. Le Premier ministre est favorable à son augmentation. Y a-t-il des objections?
« Pourquoi les pauvres diables seraient-ils seuls exclus de la croissance ? »
Giscard (cinglant). — J'ai un sentiment tout à fait différent. Si on augmente le SMIG, il y aura augmentation des prix. (Il répète en détachant les syllabes.) Nous ne devons pas donner l'impression que nous reprenons les pratiques anciennes. Je le dis avec beaucoup de conviction, une décision de cette nature va à l'encontre de la politique gouvernementale.
GdG (visiblement satisfait d'avoir à arbitrer entre l'autorité de son Premier ministre et le brio de son ministre des Finances). — Nous sommes pris entre deux impératifs contradictoires. D'une part, nous poursuivons la stabilisation et nous l'obtenons. D'autre part, nous avons choisi la politique des revenus, qui doit garantir l'accroissement du niveau de vie pour toutes les catégories sociales. Je dis : toutes. Pourquoi faire exception pour les seuls bénéficiaires du SMIG ? Si nous n'augmentions pas le SMIG, nous établirions que seuls les Français les moins bien traités n'ont pas le bénéfice d'une amélioration de leur sort. Pourquoi les pauvres diables seraient-ils seuls exclus de la croissance ? C'est justement parce que les prix n'augmentent pas que l'augmentation du SMIG prend toute sa valeur ; sinon, elle ne signifierait rien. »
Nous voilà à fronts renversés. Giscard, qui n'aurait pas voulu du plan de stabilisation, en soutient la logique avec acharnement. De Gaulle, qui l'a imposé à Giscard, plaide en faveur de l'augmentationdes salaires... Giscard, contrairement à la règle non écrite, reprend son plaidoyer après la conclusion du Général : « Je maintiens que c'est inopportun. Notre décision sera interprétée comme la reconnaissance du mouvement irrépressible des prix.
GdG. — On a accordé une augmentation à tous les salaires. Je ne vois pas comment le salaire minimum serait le seul à ne pas augmenter. Ça me paraît quand même assez difficile.
Grandval (qu'on s'étonnait de ne pas entendre tenir le propos d'un gaulliste de gauche). — Si nous prenons cette initiative, elle aura des conséquences beaucoup moins nocives que si nous recu lons. (Comme chaque ministre excelle à présenter la thèse de son antagoniste de manière à la rendre odieuse au Général...) Vous savez combien touche un smigard ? Vous croyez qu'on peut vivre avec ça ? (Il se penche en avant pour darder son regard courroucé sur Giscard. Celui-ci ne bronche pas devant ce piège pour réunion électorale.)
Pisani. — Les salaires au SMIG sont presque tous hors de Paris. C'est la province profonde qui est concernée. Ne pas relever le SMIG, ce serait maintenir cette différence inacceptable. (La cible, c'est-à-dire l'esprit du Général, a été bien visée : en plein dans le mille.)
Pompidou. — Cette mesure est raisonnable. Nous sommes aujourd'hui capables d'augmenter les salaires, sans que la stabilité soit remise en cause.
GdG (il donne à la fois un coup de chapeau à Giscard, et raison à Pompidou, soutenu par ses autres ministres "dépensiers", sombrement hostiles à Giscard). — Le ministre des Finances a souligné l'effet psychologique de la décision. Ça en produira incontestablement un. Mais je crois qu'il faut passer outre. »
« Discutez-en tant que vous voulez, je n'entre pas là-dedans »
Conseil du 14 avril 1965.
Pompidou présente le budget. Giscard bouscule tout le monde pour le calendrier.
Marcellin 1 gémit pour les crèches, imité par quelques collègues. Le Général, de bonne humeur, les console sans rien céder.
GdG : « Il y a une politique qui comporte un cadre financier. Il y a 26 membres du gouvernement. Discutez de vos projets tant que vous voulez, je n'entre pas là-dedans. Ce serait contraire au bon fonctionnement de l'État. Il vous appartient d'argumenter avec le secrétaire d'État au Budget, puis avec le ministre des Finances, puis avec le Premier ministre. »
« Vous avez fait tellement de promesses que vous êtes bien embarrassés maintenant »
Conseil du 13 juillet 1965. Le budget 1966 se noue.
Après Giscard, le Général: « Y a-t-il des
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