C'était de Gaulle - Tome II
faut la prendre comme elle est et essayer d'en extraire le meilleur dans l'immédiat. Je veux bien qu'on prenne des mesures à long terme pour qu'on sorte de cette situation. Mais, en attendant, l'État a des moyens, il faut qu'il en use.
AP. — C'est à ça que servent les entreprises nationales ?
GdG. — Évidemment. Si je n'avais pas accepté le principe de nationaliser l'électricité à la fin de la guerre, jamais on n'aurait fait Donzère-Mondragon, jamais nous n'aurions eu de centrale atomique en France. Que voulez-vous que j'y fasse, les entrepreneurs n'entreprennent pas.
AP. — C'est aussi l'utilité de Renault ?
GdG. — Ça, c'est autre chose. Je veux bien, puisque Renault est une régie et qu'elle est sous la tutelle de Bokanowski, qu'il en profite pour lui faire faire des autos de course. Mais on a nationalisé Renault parce que Renault avait travaillé pour l'occupant, et pas pour autre chose. Ce n'est pas la vocation de l'État de faire des voitures, pas plus de course que de tourisme. »
« Comment voulez-vous que les collectivités locales assument ces travaux d'Hercule ? »
Au Conseil du 29 mai 1963, Pompidou présente le projet d'aménagement du Languedoc-Roussillon : 180 kilomètres de côtes malsaines, infestées de moustiques. Elles seront assainies. On y créera des ports et des plages. Un organisme léger de coordination sera chargé de suivre la réalisation: une mission interministérielle, présidée par Racine 1 , travaillera auprès du préfet de région.
Après le Conseil, je questionne le Général sur une objection qu'a faite Maziol 2 : ce projet suscite la méfiance des collectivités locales, parce qu'il est entrepris par l'État.
GdG : « Il est bien bon, mais comment voulez-vous que les collectivités locales assument ces travaux d'Hercule? Plusieurs centaines de communes, quatre départements, cinq ministères sont concernés. Si on laisse faire une compagnie privée, elle va faire des bénéfices scandaleux, puisque des terres désolées qui ne valent pas un clou connaîtront, grâce au projet d'ensemble, d'énormes plus-values. Si on laisse faire les communes ou même les départements, ce sera fait de bric et de broc. Un jour, nous créerons des régions, qui auront la capacité d'entreprendre de pareils travaux. Ce n'est pas encore mûr ; mais il ne faut pas en prendre prétexte pour ne rien faire. Seul l'État peut entreprendre d'une main de fer, comme toujours les grands travaux en France, le canal des Deux-Mers sous Louis XIV ou la plantation des pins dans les Landes. En France, il faut être l'État pour entreprendre de grandes choses en harmonisant les intérêts particuliers avec l'intérêt général. »
« Il ne faut pas pousser Saint-Nazaire au désespoir»
Au Conseil du 5 février 1964, Bokanowski et Jacquet parlent des secteurs en crise: les chantiers navals de Saint-Nazaire, l'industriedu coton dans les Vosges, les charbonnages et mines de fer de Lorraine, le bassin de Decazeville, Bull, dont les fabrications sont périmées et perdantes. Pompidou montre le choix :
« Il y a deux types de solution. Maintenir l'activité de manière artificielle. Ou admettre qu'il n'est pas possible que tous soient maintenus dans leur emploi, et alors prévoir des reconversions, favoriser la mobilité ; c'est plus conforme à la réalité économique, mais c'est douloureux. »
Le Général conclut :
« On ne peut contester que le gouvernement avait depuis longtemps prévu la situation et pris des mesures en conséquence. À Saint-Nazaire, il y a un état d'esprit fâcheux. On peut déplorer la lenteur du patronat et de sa reconversion. Mais il ne faut pas pousser Saint-Nazaire au désespoir. »
Pompidou voudrait tirer toutes les conséquences du marché, brutalement s'il le faut. De Gaulle veut une évolution lente, une évolution par la pédagogie. On aurait envie de qualifier de Gaulle de pompidolien, et Pompidou de gaullien, si l'on s'en tenait au critère du caractère. Mais sur le fond, il s'agit de deux conceptions de l'État. Pour Pompidou, l'État ne doit pas soustraire l'économie au marché. Pour de Gaulle, l'État doit prendre en charge et l'une et l'autre.
« L'élection présidentielle se fera au niveau de la nation, pas à celui des garagistes »
Au Conseil du jeudi 21 mai 1964, Bokanowski plaide pour l'artisanat : « Les artisans, dans les campagnes, ça a une grande importance, vous le savez mieux que moi, mon général.
GdG. — Je ne le sais
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