C'était de Gaulle - Tome II
pas mieux que vous, mais je suis content de l'apprendre.
Bokanowski. — Je voulais dire que vous le savez mieux que moi puisque vous habitez la campagne. Il faut donner un commencement de satisfaction aux artisans. L'année politique 1965 sera capitale. Nous n'avons pas intérêt à lambiner. Il faut les associer à l'expansion industrielle.
GdG (pragmatique). — Que conseillez-vous de faire?»
Pompidou vient en renfort: « Il ne faut pas désespérer les artisans; ils pourraient se venger l'an prochain.
« Je suis préoccupé de voir disparaître les garagistes, indispensables pour l'entretien des tracteurs et des machines agricoles, et qui ne peuvent survivre, quand les grandes compagnies pétrolières exigent que les pompes soient desservies par des « pompistes » qui ne font que ça.
À l'issue du Conseil, j'essaye de provoquer le Général, par une question plus concrète, en prenant un exemple que Pompidou cite volontiers :
«Le Premier ministre souhaite qu'on impose aux compagnies pétrolières de prendre des garagistes comme pompistes. L'élection présidentielle va-t-elle en dépendre ? »
Le Général ouvre de grands yeux. Visiblement, il n'avait jamais pensé à ça. Il n'imaginait pas que cette question pût jouer un rôle quelconque dans la campagne électorale de l'an prochain. Pompidou pense aux soucis des différentes catégories d'électeurs. Le Général ne veut pas entendre parler d'intérêts catégoriels. Il se contente de hausser les épaules :
« Pompidou devait penser aux élections municipales. L'élection présidentielle se fera au niveau de la nation, pas au niveau des garagistes. »
Mais la nation n'est-elle pas faite de beaucoup de garagistes-et de leurs semblables?
1 La mission confiée à Pierre Racine, conseiller d'État, ancien directeur de cabinet de Michel Debré à Matignon, allait, grâce à son savoir-faire modeste et intelligent, connaître un succès complet.
2 Ministre de la Construction.
Chapitre 12
« SI LES ANGLAIS NE VEULENT PAS FAIRE LE CONCORDE, QU'ILS LE DISENT »
« Le Concorde n'intéresse pas les Américains, sauf à leur remettre tout »
Après la victoire, le 15 octobre 1964, des travaillistes britanniques, le Général ne leur fait guère confiance pour redresser une situation économique de toute façon dramatique. L'une des premières manifestations du nouveau gouvernement de Londres porte sur le Concorde.
Au Conseil du 28 octobre 1964, Jacquet: « Il y a deux ans, l'accord franco-britannique a donné le jour au projet Concorde. La lettre que Wilson vient de nous adresser propose l'étalement des opérations. Nous ne pouvons pas l'accepter. L'opération Concorde se fait en concurrence avec un projet américain, plus ambitieux que le nôtre (3,3 mach ; nous, 2,2 mach 1 . Retarder la fabrication, ce serait rendre l'entreprise inutile. Au lieu de voler en 1971-1972, ça nous reporterait en 1975 2 . Les Américains auraient terminé 3 . Nous aurions fait un prototype et rien d'autre. Ou il faut continuer hardiment, ou il faut tout arrêter. Il s'agit d'être les premiers sur le marché des avions supersoniques à long rayon d'action ; les premières commandes reçues constituent un gage de succès commercial, bien qu'on ne se soit pas lancé dans ce projet parce qu'il serait rentable, mais pour donner du travail à Sud-Aviation. Renoncer au Concorde, ce serait nous placer délibérément sous l'aile du géant américain. Cela constituerait une sorte de "Nassau 4 aéronautique", c'est-à-dire, à notre point de vue, une démission. »
Comme Jacquet connaît bien le Général ! Comme il sait faire vibrer la corde sensible ! Le Général essaie encore de se débattre :
« Il n'y aura jamais aucune chance que cette sacrée SNECMA nous sorte un réacteur ?
Jacquet. — En dehors de l'opération qui consisterait à repasser le bébé aux Américains, il n'y a pas d'alternative.
GdG. — S'entendre avec les Américains ? Le Concorde ne les intéresse pas. Sauf à leur remettre tout, comme toujours. Alors, tout abandonner ? Mais que faire de Sud-Aviation ?
Jacquet. — Trente mille ouvriers seraient employés à la construction du Concorde. Ça assure le plan de charge de l'aviation française jusqu'en 1975. Ou alors, il faudrait effacer cette opération Concorde et faire l' " aérobus " ou " gallion ", gros porteur internationalement valable, qu'il faudrait vendre à 200 exemplaires pour l'amortir 5 .
GdG. — Il y a la rentabilité, et il y a
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