C'était de Gaulle - Tome II
Pourquoi ? La négociation qui réussit, à leurs yeux, c'est une négociation dans laquelle la France disparaît ! C'est une tare qu'ils ont dans leur sang.
« Nous n'allons pas encore flancher ! »
AP. — Ils recherchent une entente.
GdG. — Ce n'est pas une entente, c'est un abandon ! Est-ce que le PAL nous apporte quelque chose ? Il ne nous apporte rien. Tandis que le SECAM apporte quelque chose au PAL. Alors, pourquoi donner le SECAM au PAL ? Il faut refuser ! On leur a déjà donné beaucoup trop ! Ça nous fait perdre notre consistance vis-à-vis des gens de l'Est, qui se disent : "Les Français eux-mêmes flageolent ; ils ne sont pas décidés. Finalement, le PAL va l'emporter." Nous devons commencer avec les Russes sans attendre.
AP. — Il faudrait lancer la construction en URSS d'une usine avec notre assistance technique.
GdG. — Nous n'allons pas encore flancher et nous arranger avec d'autres ! Il faut marquer aux Russes que nous ne les trompons pas !
AP. — Les pays de l'Est voudraient pouvoir montrer leur indépendance à l'égard des Russes et avoir chacun un accord avec nous.
GdG. — Oui. Je trouve ça tout à fait normal.
AP. — Il y a un problème pour l'Allemagne de l'Est puisque nous ne la reconnaissons pas comme État.
GdG. — Nous pouvons faire des accords de gouvernement à gouvernement avec des États ; avec la RDA, on fera un accord de firme à firme. Il faut mettre Bonn devant le fait accompli !
« On ne peut rien faire si on ne concentre pas les moyens »
AP. — Il y a autre chose. La CSF n'a pas assez d'hommes ni de moyens pour une politique d'expansion technique et industrielle. Nous devons provoquer une concentration de notre industrie électronique.
GdG. — Oui. On ne peut rien faire à l'heure actuelle si on ne concentre pas les moyens. Sans compter toutes les recherches qu'il faudra faire encore pour exploiter le procédé. Avant la coopération entre Européens, il faut coopérer entre Français.
AP. — Ce ne sera pas facile. Les électroniciens français se tirent dans les jambes. Ils ne sont pas capables de mettre la couleur sur le marché avant plusieurs années et ont peur de perdre la vente de leurs stocks de récepteurs en noir et blanc. »
Le Général résume en comptant sur ses doigts :
« D'abord, s'arranger avec les Russes, pour la mise en exploitation rapide. Puis, organiser l'industrie électronique française. Et puis, rechercher des arrangements entre États avec tous les pays qui adopteront le SECAM. Il n'y a pas de temps à perdre. »
« On ne s'est pas débarrassé des arrière-pensées »
Salon doré, jeudi 23 septembre 1965.
J'ai demandé audience au Général pour lui parler des déconvenues enregistrées pour notre télévision en couleurs :
« 1. Les Allemands ont mis au point un PAL amélioré, le "PAL de luxe". Beaucoup de pays européens, l'Italie, la Scandinavie, le Bénélux, l'Angleterre, vont s'y rallier.
« 2. La CSF n'a pas les moyens de conquérir l'étranger, en dépit des succès que nous lui avons obtenus à Moscou et à Vienne.
« 3. L'industrie électronique française ne veut pas s'unir en un consortium pour exploiter ce procédé. Les responsables des huit sociétés d'électronique s'y sont refusés, malgré plusieurs réunions à Matignon. Tous, comme un seul homme, ont dit : "C'est une affaire pour la CSF, qui détient le brevet. Ce n'est pas une affaire pour nous : nous gagnerons autant si c'est le procédé allemand ou si c'est le procédé américain." Quant à la CSF, nous n'avons pu l'empêcher de vendre son brevet à Telefunken, qui l'incorpore au PAL. La CSF n'a guère envie de se battre, puisque le PAL va lui rapporter des redevances 3 .
« 4. En outre, on se heurte à un certain scepticisme dans les milieux administratifs et même gouvernementaux de Paris, qui pensent qu'en face de la coalition germano-américano-anglo-hollando-scandinave, la France et la Russie ne feront pas le poids.
« 5. Enfin, la CSF a mis au point une variante perfectionnée du SECAM, sans s'occuper de ce que font les Russes. De leur côté, les Russes ont mis au point leur procédé, le "Mir", inspiré du SECAM, mais différent de lui. Tant la variante CSF que la variante russe sont contraires à l'accord franco-soviétique, qui stipule queles deux pays adopteront un système commun sur la base du SECAM.
« Il faudrait donc, à l'occasion de la commission mixte franco-soviétique qui doit se tenir en novembre, revenir à
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