C'était de Gaulle - Tome II
Général ne répond pas : « En tout cas, Ben Bella assure qu'iln'y a plus la moindre animosité entre Français et musulmans. Je lui ai dit que nous souhaitons sa réussite, parce que la France a vocation d'aider les pays retardés. Il a reconnu qu'aucun pays africain ne bénéficie d'un équipement comparable à celui que nous avons légué à l'Algérie : ni l'Égypte, ni la Yougoslavie, qu'il situe peut-être en Afrique. (Rire.) Je lui ai répété que la France était prête à aider l'Algérie à parfaire cet équipement par une coopération prolongée ; avec deux contreparties, le pétrole, et les bases du Sahara dont nous devons pouvoir disposer jusqu'à la fin de 1966.
« Vous êtes devenu un pays étranger »
« Je lui ai dit deux choses sévères, entre quatre-z-yeux pour ne pas lui faire perdre la face.
« 1. Vous avez voulu que tous les pieds-noirs prennent leur valise, en les menaçant du cercueil. Maintenant, vous voulez des coopérants, à condition qu'ils n'arrivent qu'avec leur valise, pour repartir aussitôt que vous le déciderez. Et en outre, vous retenez leurs salaires ! Alors, ne vous étonnez pas qu'il n'y ait pas tellement de candidats.
« 2. Et puis, cessez de nous envoyer des travailleurs migrants, qui essaient encore de se faire passer pour des harkis. Nous n'en avons que trop. Vous avez voulu l'indépendance, vous l'avez. Ce n'est pas à nous d'en supporter les conséquences. Vous êtes devenu un pays étranger. Tous les Algériens disposaient d'un an pour opter pour la nationalité française. Ce délai est largement passé. Nous n'en admettrons plus. Débrouillez-vous pour les faire vivre sur votre sol. »
« Leurs cadres, ils ne peuvent les former qu'en français»
Après le Conseil, je sonde le Général sur la négociation pétrolière qui va commencer : « Les Algériens vont nationaliser les pétroles ?
GdG. — Pour eux, ce serait une catastrophe. Ils savent bien qu'il y a trop de pétrole dans le monde. Il faut qu'ils le vendent, qu'ils l'exploitent, qu'ils trouvent du personnel, et aussi cent milliards par an pour l'entretien des exploitations, et ainsi de suite. Je ne dis pas qu'ils ne le feront pas un jour, mais cela me paraît peu vraisemblable avant plusieurs années 1 .
AP. — Ce qu'ils veulent, c'est gagner un maximum d'argent ?
GdG. — Oui, ils veulent gagner plus d'argent et remplacer peu à peu les cadres français par des cadres algériens. Ce sera long.
« Ce pétrole, nous l'avons trouvé. Nous avons investi. Il nousfaut encore trois ans pour amortir nos dépenses. Notre politique est que ça continue comme actuellement.
« Ils veulent à tout prix s'industrialiser. Pour ça, il faut que nous leur prêtions la main, que nous leur donnions des cadres et de l'argent ; nous prévoyons au moins une vingtaine de milliards par an. C'est un paquet considérable, qu'aucun autre État ne leur donnera.
« L'Algérie vit pour un tiers de ce que les travailleurs algériens gagnent en France. Si un beau jour, ils nous emmerdent et que nous les foutions tous à la porte, eh bien l'Algérie crèverait, c'est évident. Et ils ne peuvent pas former des techniciens et des cadres ailleurs qu'ici. Naturellement, ils envoient quelques types à Moscou et à Cuba, mais c'est pas sérieux. Leurs cadres, ils ne peuvent les former qu'en français. Si nous leur fermions l'entrée, ils seraient dans un état épouvantable et ils le savent très bien.
« Alors, il y a la phraséologie socialiste, qu'ils sortent à tout bout de champ. Et il y a les réalités.
« Ils sont obligés de faire de l'exploitation collective »
AP. — Vous n'êtes pas inquiet de cette tournure qu'a prise le régime, ce socialisme hostile à l'Occident ?
GdG. — Les Arabes ne peuvent pas faire autrement que d'exhaler leur xénophobie ? Mais si vous parcourez toute l'Algérie, vous n'aurez que des politesses et des amabilités.
« Ils disent qu'ils veulent un socialisme à la manière algérienne. Ils mettent la terre en exploitation collective. Que voulez-vous qu'ils fassent d'autre, avec des fellahs illettrés, qui ne savent rien faire, qui n'ont pas de matériel, qui n'ont pas un sou, qui n'ont pas de bêtes, qui n'ont rien du tout. Ils sont obligés de faire de l'exploitation collective. Nous n'allons pas les en blâmer. C'est ce que nous aurions dû faire nous-mêmes. »
Salon doré, 31 mars 1965:
AP : « Que pensez-vous de ces émeutes de Casablanca? Voyez-vous le régime d'Hassan
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