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C'était de Gaulle - Tome II

C'était de Gaulle - Tome II

Titel: C'était de Gaulle - Tome II Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Alain Peyrefitte
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renoué.
    AP. — Les Français hésiteront peut-être à vous élire comme Président, Monseigneur, s'ils s'imaginent que vous envisagez d'abolir la République pour rétablir la monarchie.
    Comte de Paris. — Mais je vous répète que nous sommes enmonarchie ! De Gaulle a voulu créer une monarchie. Il y a réussi. Il est réellement le monarque, dans la grande tradition capétienne, avec l'appui du peuple par-dessus les féodaux. C'est l'aboutissement de son passage fulgurant dans l'Histoire. C'est l'accomplissement de sa vie. Mais voyez-vous autour de lui un homme qui soit capable de se tenir au-dessus et en dehors des partis, n'ayant en vue que l'intérêt supérieur de la France? Ce fut la grandeur de mes ancêtres. De Gaulle a repris cette grandeur à son compte. Après lui, qui en sera capable?
    « Sans doute le Général pense-t-il que ce n'est pas un homme issu des luttes politiques qui pourrait lui succéder, puisqu'il veut bien m'entourer de prévenances et m'assurer de son amitié. Il m'a chargé d'une mission au Proche-Orient auprès des dirigeants arabes 8 . Il n'était pas forcé de le faire. Ça n'avait de sens que pour me faire connaître... »
    Il me donne l'impression de vivre dans un rêve. Le Général se refuse à le dissiper, dans la mesure où il pense que cette ouverture du champ des possibles peut servir le pays.
    Le comte de Paris reprend patiemment : « Il ne s'agit pas de rétablir la monarchie, mais de préparer les voies pour une élection au suffrage universel. Les choses progressent.
    AP. — Oui, Monseigneur, mais en politique, rien n'est certain. »
    Il croit tant à cette fantasmagorie qu'il serait cruel de la briser. Et pourtant, je ne peux pas lui laisser croire que je la partage. J'essaie de m'en tirer par des phrases courtoises et prudentes...
    Ni le Général, ni Pompidou, les jours suivants, ne m'ont interrogé sur ce qu'avait pu me dire le comte de Paris : le premier le savait par cœur, le second affectait de s'en moquer.

    Jeudi 8 septembre 1966, à bord du croiseur « De Grasse ».
    J'essaie de faire réagir le Général sur des propos que le comte de Paris m'avait tenus à Provins.
    GdG : « C'est un homme très estimable, parce qu'il est avant tout soucieux de l'intérêt national. Mais pour sa candidature à l'Elysée, il vit sur un nuage. Ne vous inquiétez pas, ses illusions se dissiperont d'elles-mêmes. Pourquoi voulez-vous les dissiper? Les Français ne veulent pas de la monarchie, ni d'un candidat qui serait immanquablement soupçonné de vouloir la restaurer. Alors, ce n'est pas la peine d'en parler. »
    Nous n'en parlâmes donc pas davantage. Mais dans cette impatience, j'ai cru deviner une souffrance. En parler lui faisait peine, en effet. Le Prince « impossible », c'était le plus intime du rêve gaullien qu'il fallait reconnaître irréalisable, depuis que le ballottage l'avait déchiré.
    1 L'Express du 23 mai 1963 a publié un long article très documenté de Jean Ferniot : « Le Successeur. Pourquoi de Gaulle a choisi le comte de Paris ».
    2 Cf. C'était de Gaulle, tome I, II, chap. 16.
    3 Avant de mourir, le duc de Guise avait envoyé, de sa résidence au Maroc, à Larache, un message de soutien au général de Gaulle à Londres.
    4 Cette unique visite eut lieu en août 1942. Le comte de Paris, dans ses Mémoires, explique qu'il était venu connaître la position exacte de Vichy sur le débarquement américain qu'il sentait venir. Il retourna aussitôt au Maroc.
    5 Le comte de Paris n'a pas interprété ainsi ses conversations avec le Général.
    6 Député radical-socialiste de l'Hérault.
    7 Dans une lettre écrite de Frohsdorf le 23 octobre 1873, le comte de Chambord, petit-fils de Charles X, avait refusé le drapeau tricolore et repoussé toute condition préalable à son retour sur le trône. Les négociations avec la majorité royaliste de l'Assemblée nationale, qui s'étaient jusque-là déroulées favorablement, furent brusquement rompues.
    8 En mai et juin 1961.

Chapitre 3
    « C'EST UNE PERPÉTUELLE IMPROVISATION»
    D'un Conseil à l'autre, nous voyons Pompidou grandir, son autorité s'affirmer, sa relation avec le Général devenir plus imprévisible, sans jamais cesser de donner l'exemple d'une loyauté sans défaut. De chaque côté de la table, est-ce le Général face à son successeur?

    « Monsieur le ministre des Affaires étrangères n'est pas là »
    Au Conseil du mardi 1 er octobre 1963, le Général a un petit passage à vide.

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