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C'était de Gaulle - Tome II

C'était de Gaulle - Tome II

Titel: C'était de Gaulle - Tome II Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Alain Peyrefitte
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Il commence par observer qu'il y a beaucoup d'absents. « Enfin, ajoute-t-il, il en reste quand même quelques-uns. » En cours de Conseil, au moment d'appeler la communication du ministre des Affaires étrangères, il annonce : « Monsieur le ministre des Affaires étrangères n'est pas là. Monsieur le secrétaire d'État, vous avez la parole. »
    L'ensemble du Conseil murmure. Couve avait pris la parole quelques instants auparavant pour proposer l'agrément d'un ambassadeur. Il reste interloqué, puis : « Si, mon général, je suis là !
    GdG (de l'air de celui qui a fait une blague). — Vous êtes si souvent absent, que j'ai cru que vous l'étiez encore aujourd'hui. Eh bien, puisque vous avez la parole, gardez-la. »

    À la sortie, entre mes collègues, échange d'impressions inquiètes : « Il a somnolé », dit l'un. « Il a été distrait, ça arrive à tout le monde », corrige un autre. Un troisième déduit : « Vous ne le voyez pas, dans deux ans, entamer une campagne pour qu'il se trouve encore à l'Élysée dans neuf ans ! » Pompidou, tirant sur sa cigarette, reste silencieux.
    Le Conseil du 14 novembre 1963 décide de créer un nouvel Ordre national, l'Ordre du Mérite 1 , mais de supprimer en compensation dix-sept ordres de ministères, sur lesquels la chancellerie de la Légion d'honneur n'exerçait aucun contrôle. De là, selon le grand chancelier Catroux, une inflation désordonnée. Le Généralest aussi vigilant devant l'inflation des décorations, que devant celle qui ronge la monnaie.
    Malraux sauve du naufrage les Arts et Lettres : « Cet ordre est respecté et envié des artistes, des écrivains, des créateurs, y compris de ceux qui ne nous aiment pas. Le supprimer serait une insulte à ceux qui l'ont et une déception pour ceux qui y aspirent. » Fouchet reprend le même raisonnement pour les Palmes académiques. Pisani l'applique au Mérite agricole. Brusquement, le Général arrête la discussion et exige qu'on s'en tienne là.
    Avec un accent de sincérité qui ne laisse pas indifférent, Pompidou entame une plaidoirie qu'il sait condamnée : « Pendant la grève des mineurs, j'ai vu arriver des syndicalistes qui arboraient avec fierté à la boutonnière, plusieurs de ces décorations que vous souhaitez abolir. Ils n'auront jamais la Légion d'honneur, ni le Mérite. Mais ces gens simples avaient accès à ces ordres que nous nous apprêtons à supprimer : le Mérite social, le Mérite du travail, le Mérite civil du ministère de l'Intérieur, le Mérite postal, le Mérite sportif, que sais-je ? On leur remettait cette médaille devant leur famille, leurs camarades de travail. Cette cérémonie restait un moment fort dans leur mémoire. L'Ordre national du Mérite sera accaparé par les membres des cabinets, les hauts fonctionnaires, les officiers supérieurs, la classe politique, qui s'en feront un marchepied avant la marche suivante de la Légion d'honneur. »

    Pompidou : « Le Général n'a pas résisté »
    Le lendemain, à Matignon, Pompidou m'explique :
    « Demandez au général Catroux de vous faire visiter la grande chancellerie, et vous comprendrez. Dans son bureau, vous verrez deux tableaux : Napoléon remettant les premières croix de la Légion d'honneur au camp de Boulogne ; Louis XIV créant l'Ordre royal de Saint Louis. Quand Catroux a proposé au Général de créer un nouveau Grand Ordre, et de l'associer ainsi aux trois plus grands monarques français, il savait que le Général ne résisterait pas! Il n' avait plus qu' à suggérer la couleur " bleu de France " — qui était celle de l'Ordre du Saint-Esprit — pour compléter cette synthèse de l'histoire de la nation. Les arguments du bon sens ne pesaient pas d'un grand poids. »
    Pompidou sait débrouiller, dans la décision du Général, l'écheveau du dit et du non-dit. La vision historique de De Gaulle et la vision pragmatique de Pompidou se font pendant. Souvent elles se complètent, parfois elles s'opposent. Je crois bien qu'en la circonstance, Pompidou avait raison de contredire le Général.
    Puis, à propos du plan de stabilisation, Pompidou ajoute : « Pour le Général, il n'y a que la volonté qui compte. L'État, au nom de l'intérêt général, doit imposer sa volonté à des corporations qui ne pensent qu'à leurs privilèges, à des patrons qui ne pensent qu'à gagner du fric, à des syndicats qui ne pensent qu'à obtenir des augmentations, etc.
    « Moi, j'admets que seul l'État peut prendre

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