C'était de Gaulle - Tome II
et dispos, lui a évité la présidence d'un second Conseil d'exception...
Marette demande qu'il y ait un représentant des PTT au conseil d'administration d'Air France.
Jacquet : « Impossible ! La composition est fixée une fois pour toutes.
Pompidou (agacé par une question mineure à laquelle il craint que le Général ait la tentation de s'intéresser, coupe sèchement). —Je reverrai ça, c'est une affaire qui ne doit pas encombrer le Conseil. »
Marette et Jacquet rentrent sous terre. Le Général, privé de questions comme on est privé de dessert, ne dit mot.
Au Conseil du jeudi 21 mai 1964, Pompidou, sur l'air du maître d'école grondeur : « Au Conseil du 3 mars, j'avais demandé aux ministres de me faire savoir quels étaient ceux de leurs services qui pourraient être décentralisés 1 . J'ai eu huit réponses. Je demande que les retardataires me répondent rapidement. »
Le Général couve du regard Pompidou, qui veille avec autorité à la mise en application de décisions inspirées antérieurement par lui. Il en sourit d'aise.
Au Conseil du 17 juin 1964, Foyer propose les nominations comme conseillers d'État de Bothereau, ancien secrétaire général de la CGT-FO, ainsi que de Bouladoux, président honoraire de la CFTC. Le Général approuve avec chaleur le principe de diversifier le recrutement du Conseil d'État, en faisant appel à « des syndicalistes raisonnables, qui ont le sens de l'intérêt général et ne cherchent pas à l'escamoter derrière leur intérêt corporatif ».
Pompidou me fait passer un billet : « Je tiens à ce qu'il soit précisé par vous — sans appuyer grossièrement, bien sûr —que c'est moi qui ai provoqué et décidé ces deux nominations. »
« Il est bon que Pompidou s'enracine »
Au Conseil du mardi 23 juin 1964, le Général interroge Pompidou : « Alors, vous avez été dans le Cantal ? » (Il veut donc le faire parler sur un point qui n'était pas inscrit à l'ordre du jour.)
Pompidou, aussi heureux que surpris, n'a pas de mal à improviser : « Ce voyage a revêtu un double caractère. Un accueil sympathique et presque familial (lui, d'ordinaire si impassible, ne peut s'empêcher d'avoir un sourire radieux)... Et puis, un contact avec un département en pleine activité. J'ai été frappé de la prospérité de cette terre qui passe traditionnellement pour pauvre. Dans les petites communes, l'agriculture se développe. Le tourisme aussi. On voit se multiplier les piscines, alors que l'Auvergnat avait horreur de l'eau ! Ce pays se transforme. Aurillac et Saint-Flour changent rapidement, tout comme Tours, Orléans, Strasbourg ou Lyon. L'Éducation nationale a des crédits énormes, les constructions s'accumulent. L'effort se traduit sur le terrain dans des proportions qui sautent aux yeux. Je suis convaincu qu'il n'y a plus guère que les départements bretons et quelques départements du Sud-Ouest qui n'ont pas encore été pris dans le grand mouvement de modernisation et d'expansion qui parcourt la France. »
Le Général et Pompidou ont l'air aussi heureux l'un que l'autre de cet intermède inattendu.
À l'issue du Conseil, le Général me glisse : « Il est bon que Pompidou s'enracine. Il faut qu'il se déplace et qu'il se fasse connaître, particulièrement dans un coin où il pourra se faire élire. »
La précision renvoie à une éventuelle élection législative 2 . Mais comment ne pas voir qu'il pousse Pompidou vers sa succession ?
Matignon, jeudi 13 août 1964, Pompidou me dit : « Vous devriez profiter des trois semaines de la visite du Général en Amérique du Sud. C'est le moment de faire le voyage que je vous ai demandé de prévoir en Polynésie et en Nouvelle-Calédonie pour installer la télévision. Je tiendrai pendant ce temps un ou peut-être deux Conseils, mais je veux prendre le profil bas : on se contentera de lire le communiqué. »
Sous cette modestie, se devine la prudence : il m'envoie à l'autre bout du monde parce qu'il ne tient pas à ce que je fasse, en l'absence du Général, de ces confidences calculées dont les éditorialistes sont friands, mais qui, en braquant le projecteur sur lui, agaceraient le Général.
Pompidou : « Tout le jeu de Giscard, c'est de montrer que le ministre principal, ce n'est pas le Premier ministre »
Le 15 août 1964 a paru dans le Journal officiel un simple arrêté du ministre des Finances qui annule, sur un point essentiel, la loi, promulguée en juillet, qui a créé
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