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C'était de Gaulle - Tome II

C'était de Gaulle - Tome II

Titel: C'était de Gaulle - Tome II Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Alain Peyrefitte
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fait sans éclat ni désaveu.
    1 On dit aujourd'hui « délocalisés »
    2 Georges Pompidou sera en effet élu député du Cantal (circonscription de Saint-Flour) en mars 1967.
    3 Deux textes parus au Journal officiel du 1 er janvier 69 et au Journal officiel du 30 décembre 69 devaient lever certains contrôles a priori.

Chapitre 6
    «J'ESSAIERAI DE REMPILER»
    Creil, samedi 13 juin 1964.
    Voyage en Picardie. Le Général dans un bain de foule — une de ces cohues qui donnent la chair de poule à ses gorilles et à son aide de camp. Ils tremblent qu'il ne soit pris dans un remous, écrasé ou malmené. Comme s'ils se rappelaient la réplique de Louis-Philippe aux funérailles du maréchal Soult: « Que c'est beau, Sire, cette foule ! — Ce sera plus beau encore quand elle sera rentrée chez elle. »
    Un petit vieux à béret basque lui crie: « Rempilez, mon général ! » Il répond: « J'essaierai ! », et passe. Ce n'est pas un engagement, mais c'est une indication à laquelle il me semble devoir faire prendre corps. Je répète cet échange impromptu aux journalistes de l'escorte, dont aucun n'était à portée de l'entendre.
    À Abbeville, la veille, 12 juin, un ancien combattant avait interpellé le Général à peu près dans les mêmes termes :
    « Encore sept ans, mon général !
    — Oui, si c'est possible. »

    Mme de Gaulle : « Je vous en supplie, tâchez de le retenir ! »
    Le soir, à la préfecture de Beauvais, j'aperçois dans un couloir Mme de Gaulle, qui se rendait à un dîner de dames. Alors que je me contentais de la saluer par une forte inclinaison de tête, elle m'arrête, lève la main avec un doigt tendu et me dit doucement, comme une prière :
    « Vous qui avez l'occasion de parler au Général, je vous en supplie, ne le poussez pas à se représenter, tâchez de le retenir ! »
    Puis elle me plante là, sans attendre une réponse, et s'en va de son pas menu. Est-elle au courant du mot lâché par le Général dans la mêlée, et répercuté par mes soins ? Ou a-t-elle eu vent d'autres interventions plus ou moins conscientes de ma part, et qui tendaient à pousser le Général dans le sens qu'elle redoute ? Mais comment n'aurais-je pas souhaité de tout cœur que le Général se représente ?
    Mme de Gaulle me fait mesurer soudain qu'on peut aimer de Gaulle, l'admirer, lui avoir consacré sa vie, l'avoir même risquée pour lui en plus d'une occasion, et ne pas souhaiter qu'il reste à la tête des Français.
    Hôtel de la Préfecture, Beauvais, le lendemain matin, 14 juin 1964, avant le départ.
    Cette interpellation d'un badaud et la réponse du Général font les titres des radios et de la presse du dimanche. Comme le Général est de bonne humeur, je lui fais observer que les journalistes lui prêtent deux réponses différentes : « J'essaierai », ce qu'il a effectivement dit, et « J'y pense », ce qu'il aurait fort bien pu dire mais qui est inexact.
    Le Général : « Laissez ça en suspens. On ne peut pas encore prévoir. Vous imaginez bien que, un an et demi à l'avance, je n'ai pas encore besoin de prendre ma décision. »

    « Même si je le savais, je n'en dirais rien »
    Conseil du 17 juin 1964.
    Le Général déclare d'un ton amusé que tous les commentaires sur sa visite en Picardie ont tourné autour d'un mot, sa réponse à « Rempilez, mon général ».

    Après le Conseil, je tente de lui faire préciser cette réponse.
    GdG : « J'ai dit " Peut-être. J'essaierai." Mon souci a toujours été de laisser les gens en suspens. Je ne vais pas leur dire : "Je ne me représenterai pas." Comment continuer à diriger les affaires, quand on annonce qu'on est décidé à les lâcher ? Et si je dis : "Je me représenterai", c'est absurde, car je n'en sais encore rien. Même si je le savais, je n'en dirais rien. De toute façon, on ne peut pas prévoir ce qui se passera en un an et demi, en particulier à mon âge. Par conséquent, je ne me prononce pas, mais je n'exclus rien. Alors, je leur dis toujours la même chose : il faut que ce qui a été entrepris soit poursuivi, dans son esprit, dans sa pratique, dans ses institutions. Et dans toute la mesure de mes moyens, je ferai ce qu'il faut pour que cela continue.
    AP. — À Cognac, l'an dernier, vous aviez dit en quelque sorte : "Il faut que ça continue, et pour ça, je ferai en sorte que mon successeur soit dans la ligne." Tandis que cette fois-ci, vous avez suggéré : "Et pour ça, je le ferai moi-même."
    GdG. — Non.

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