C'était de Gaulle - Tome II
Constitution prévoit que le dépôt des candidatures a lieu au plus tard le dix-neuvième jour ; le temps de les vérifier et de les publier, il ne reste plus que quinze jours francs. Avec quinze jours de plus, en cas de second tour.
« Mais ne vous laissez pas impressionner par ces aboiements.
Deux heures à la radio et autant à la télévision, c'est déjà énorme ! Si on faisait davantage, ça suffirait pour en susciter, des vocations de candidats, des types qui sont incapables de réunir trois pelés et quatre tondus. Tous les Ferdinand Lop 2 et autres Tixier-Vignancour ! C'est pas ça que le pays attend de sa radio et de sa télévision. Quand il n'y a pas de campagne électorale, du calme ! Et quand il y a campagne électorale, la radio et la télévision sont disponibles, mais selon des règles claires ! »
« On n'est pas candidat, on est quelqu'un qui se verrait bien candidat »
Il reprend vivement : « Votre Zitrone et votre télévision sont toujours aussi tendancieux : "Il y avait énormément de monde à Bordeaux ", "il y avait tout Narbonne à la mairie" 3 .
AP. — J'ai été très attaqué par la presse, parce que la RTF n'a pas passé une émission préparée sur Defferre à Bordeaux.
GdG. — Il n'y avait aucune espèce de raison pour faire une émission sur Defferre à Bordeaux ! Ça ne se justifiait nullement! Defferre a été à Bordeaux, il y a fait une réunion. Chaque fois qu'un type fait une réunion où il n'y a pas mille personnes, il va falloir qu'on donne son discours à la télé ? Jamais vous n'en sortirez! N'importe qui peut réunir mille personnes sur n'importe quoi. Jusqu'à l'enregistrement des candidatures, on n'est pas candidat, on est quelqu'un qui se verrait bien candidat.
AP. — Defferre vous écrira une lettre de protestion...
GdG. — Je n'ai pas à communiquer avec Defferre... Expliquez-leur donc, à vos journalistes, que la RTF n'a pas à se mêler de la campagne tant que la campagne n'existe pas. Elle fait des tribunes contradictoires, des retransmissions de congrès, etc. et ça doit suffire en régime de croisière. Alors, pour les campagnes électorales, les ondes nationales sont appelées à donner les moyens de s'exprimer à tous les candidats. Et là, elles ne vont pas lésiner ! Elles nous en serviront des louchées ! » (Rire.)
1 Vinogradov a pris son poste d'ambassadeur à Paris le 25 juillet 1953 ; le Président du Conseil était alors Joseph Laniel.
2 Ce fantaisiste, célèbre avant et après la Seconde Guerre, hantait le boulevard Saint-Michel, qu'il voulait « prolonger jusqu'à la mer ».
3 Gaston Defferre, candidat présumé, a tenu un meeting à Bordeaux le 9 février 1964, et s'est rendu à Narbonne les 23 et 24 février. La télévision a couvert ces événements, en insistant sur le succès rencontré, mais sans en diffuser d'images — ce qui a entraîné une lettre de protestation de Gaston Defferre au Président de la République, le 20, à laquelle l'Élysée ne répondra, le 25, que par un bref accusé de réception.
Chapitre 5
«ALORS, VOUS AVEZ ÉTÉ DANS LE CANTAL ? »
Matignon, 17 avril 1964.
Tôt ce matin, Burin m'a appelé : « Vous êtes seul ? Le Général est à Cochin, sur la table d'opération, pour l'ablation de la prostate. On attend qu'il se soit réveillé pour faire tomber un communiqué. Surtout, ne dites pas un mot, ni vous, ni votre cabinet. Le Général a voulu le secret. »
C'est une intervention à froid, puisque je sais depuis les Antilles, voici un mois, qu'il portait une sonde. En ne disant rien, on aura provoqué le même choc émotionnel que s'il s'agissait d'une opération à chaud.
En tout cas, la consigne sera suivie. Le téléphone se met à crépiter. Je ne suis là pour personne. Mes collaborateurs répondent que s'il y avait quelque chose, ils le sauraient bien. Or, une fuite a eu lieu depuis Cochin. Des journalistes et photographes, déguisés en infirmiers, ont découvert le pavillon où se trouve l'illustre patient. Ils sont tombés sur les gorilles du Général, également déguisés en infirmiers, ce qui a confirmé la nouvelle. Elle a fait le tour du monde, comme une traînée de poudre. Les grandes agences et les grands journaux nous assaillent. Le Monde, qui boucle en fin de matinée, ne nous pardonnera pas ce « ratage ».
J'ai traversé la cour pour interroger le Premier ministre.
Pompidou : « Le Général a absolument tenu à garder le secret. Il a voulu éviter que les gens
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