C'était de Gaulle - Tome II
j'entreprenne le deuxième, mais que j'envisage un troisième septennat ? » (Rire.)
« L'élection présidentielle est sur un autre plan »
Dans l'autorail entre Nogent et Bar-sur-Aube, 6 septembre 1964.
Le Général : « J'ai parlé au Premier ministre de la publicité à la télévision. Je lui ai dit qu'il fallait s'y décider, il n'y a aucune raison de laisser un monopole à la presse écrite. Il n'y est pas opposé. Il dit seulement qu'il vaudrait mieux attendre les élections municipales de mars prochain. Il est ennuyé de contrer Match et la presse de province. Alors, je crois qu'il faut tout de même prendre la décision de principe. Quant à la date et aux conditions, on verra.
AP. — Seulement, on ne pourra pas non plus faire venir la discussion à la veille de l'élection présidentielle ?
GdG. — Oh ! l'élection présidentielle, ça n'a pas de rapport. Ça ne se jouera pas là-dessus !
AP. — Si c'est vous le candidat ! Mais si c'est un autre ?
GdG (sèchement). — Nous verrons bien. »
Il coupe court, visiblement irrité. À cause de mon insistance à luitendre des pièges pour deviner ce qu'il va faire ? Ou bien, que j'aie employé le mot de candidat, qui ne doit pas lui plaire ? Quand on incarne la légitimité depuis vingt-cinq ans, on n'a pas besoin d'être candidat; de même qu'en arrivant à l'Hôtel de Ville de Paris le 26 août 1944, il n'avait pas besoin de proclamer la République, puisqu'elle n'avait jamais cessé d'exister en sa personne...
« Je ne jouerai pas ce jeu-là, l'élection présidentielle aura lieu »
Dans le train entre Paris et Strasbourg, le 22 novembre 1964.
AP : « Le bruit court à nouveau, de plus en plus, d'un référendum pour assurer la continuité du pouvoir sans qu'il y ait d'élections.
GdG (agacé, répète comme une évidence). — L'élection présidentielle aura lieu.
AP. — Vous ne substituerez pas un référendum à l'élection ?
GdG. —Ah non ! Mais non ! Je ne jouerai pas ce jeu-là ! Je ferai peut-être un référendum pour la fusion du Sénat et du Conseil économique et social. Ou plutôt, un référendum sur l'indépendance, pour avoir l'approbation du pays sur le fait que la France, ayant repris son indépendance, ne participe pas à des organisations qui prétendent la lui ôter. Ça c'est possible, que je fasse un jour un référendum là-dessus.
AP. — Mais pas avant les élections présidentielles ?
GdG. — Je ne crois pas, non. On ne peut pas savoir exactement. Ça peut devenir nécessaire, mais sans doute pas avant l'élection. »
Donc, c'est sûr, il va se présenter. Cette confirmation, qui vient de sortir de ses lèvres probablement par inadvertance, m'envahit d'une onde de joie. L'aide de camp a déjà entrouvert la porte plusieurs fois. Il n'y tient plus et lance : « M. Palewski est là, mon général, et vous attend. » Je me lève précipitamment.
Entretien avec Vinogradov, 30 novembre 1964.
Vinogradov 3 me répète à chaud un aparté qu'il vient d'avoir avec le Général à la chasse à Rambouillet:
Vinogradov : « Vous vous représenterez, mon général ?
GdG. — Je n'ai pas encore pris de décision, mais le jour où j'en aurai pris une, je ne le dirai à personne.
« Comprenez-moi bien. Je veux travailler pour le bien de la paix et de l'humanité. Avec les Américains, il n'y a rien à faire, il n'y a qu'eux qui comptent, ils ont des œillères. Les Anglais et les Allemands sont en pleine incertitude, et on ne peut rien faire non plus avec eux. Quant à vous, les Russes, on pourrait bien faire du bontravail avec vous, mais on ne sait pas très bien qui vous gouverne, ni qui vous gouvernera, et ce que vous deviendrez.
« Le monde est plein de menaces. Alors, s'il m'apparaît que je suis utile pour le maintien de l'unité française et pour la paix, et si mes forces me le permettent, je me représenterai. Tout dépend, pour l'avenir de la France et de son rôle dans le monde, de l'unité qu'elle saura ou non garder. »
Quelle situation cocasse ! L'ambassadeur d'une puissance toujours menaçante, et contre laquelle s'est formée une alliance dont nous faisons partie, se flatte d'avoir reçu une confidence du Président de la République française et en informe aussitôt le ministre français de l'Information... Surréaliste.
1 Le 11 juin 1963, cf. p. 529.
2 Cf. p. 544, à propos de l'organisation de la campagne présidentielle.
3 Ambassadeur d'Union soviétique.
Chapitre 7
« IL VAUT MIEUX PARTIR
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