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C'était de Gaulle - Tome II

C'était de Gaulle - Tome II

Titel: C'était de Gaulle - Tome II Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Alain Peyrefitte
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d'hectares. Vous êtes la catégorie la plus favorisée de France, parce que votre blé, vos betteraves se vendent à un prix inespéré. Alors, vous êtes mal placés pour m'apitoyer sur la misère paysanne. »
    Rémond vole au secours de son collègue : « Mon général, nous voulions simplement vous faire part du désarroi de la paysannerie française, avant que se concluent avec nos partenaires des négociations dont dépend son avenir, car nous tenons à vous dire que nous sommes très européens.
    (S'il y a un mot que le Général exècre, c'est celui d' européen, quand on veut le réserver à ceux qui militent pour la "supranationalité" et l' "intégration".)
    « Et moi, je ne suis pas européen ? Vous ne savez donc pas que le gouvernement défend avec bec et ongles les intérêts de l'agriculture française ? Vous ne savez donc pas que nous sommes prêts à rompre avec nos partenaires, s'ils n'acceptent pas d'ici à la fin du mois de conclure avec nous le règlement financier qui doit enfin rendre effectif le Marché commun agricole ? »

    « Et vous imaginez que nous nous entendrons avec nos partenaires si nous leur mangeons dans la main ? »
    Rémond bredouille : « Mais nous souhaitons au contraire que vous vous entendiez avec eux !
    GdG. — Et vous vous imaginez que nous nous entendrons avec eux si nous leur mangeons dans la main ? Vous ne savez donc pas que leur point de vue est radicalement opposé au nôtre ? Qu'ils ne veulent à aucun prix s'embarrasser de notre agriculture ? Qu'il faut leur mettre les points sur les i ? Vous ne savez donc pas que nous n'aboutirons à rien, si nous ne leur manifestons pas que nous mettrons fin au Marché commun, dans le cas où ils continueraient à refuser d'y faire entrer l'agriculture ? »
    Et le Général nous plante là.
    Lui qui demeure toujours d'une courtoisie très « vieille France », même et surtout avec les visiteurs qui ne l'aiment pas — parlementaires d'opposition, délégations syndicales —, il a lâché d'un seul coup la bile que, depuis des mois, ce sacré Marché commun agricole et la résistance de nos partenaires accumulent en lui.
    Marteau, furieux : « Ils nous a insultés, et avec nous toute lapaysannerie française ! C'est intolérable ! Nous allons en rendre compte à nos mandants et nous savons d'avance comment ils réagiront ! D'ici à la fin de l'année, nous aurons l'occasion de montrer que les agriculteurs et les ruraux représentent le quart des électeurs français ! »
    Ces deux responsables ne doutent pas qu'ils peuvent manœuvrer la population agricole comme des soldats à la parade. Ils doivent savoir déjà pour qui ils feront voter, si le Général ou son dauphin ne se montrent pas plus complaisants envers eux.
    J'essaie de raccommoder la porcelaine : « Il ne vous a pas insultés ! Vous n'imaginez pas à quel point le Général est tendu vers la réussite de cette négociation ! Il aurait aimé se sentir soutenu par vous. Laissons passer dix minutes, j'irai lui dire deux mots, et vous lui exprimerez vos regrets que le dialogue ait pris cette tournure. »

    Sans me répondre, aussi mécontents du Général que lui d'eux, c'est leur tour de tourner les talons.

    « L' "inquiétude", on commence à en avoir assez »
    Le Général ne m'a pas reparlé de mes deux Seine-et-Marnais, mais il ne les a pas oubliés ; ils vont resurgir pendant le Conseil du 23 juin 1965.
    Couve relate les péripéties de la négociation de Bruxelles. Elle n'avance pas. « C'est encore ténébreux. »
    Comment éclairer ces ténèbres pour l'opinion publique ? Sur ce point, Pompidou et le Général vont diverger — l'un cherchant les tranquillisants, l'autre les excitants.
    Pompidou : « Le ministre de l'Information pourrait souligner, à l'usage des professionnels agricoles, que le gouvernement défend fermement l'agriculture française. Il est important de ne pas laisser s'établir l'inquiétude.
    GdG. — L' " inquiétude ", on commence à en avoir assez ! Lors de mes récents déplacements en Île-de-France, j'ai été assailli par certains de ceux qui se disent les représentants des paysans. Je les ai envoyés faire fiche. Je souhaite que ce soit l'attitude du gouvernement. Ce sont de vulgaires démagogues ! Je vous demande à vous aussi, Messieurs les ministres, de répondre à la mauvaise foi des démagogues de l'agriculture en les envoyant faire fiche. »

    Je ne doute plus depuis longtemps que le Général va se présenter. Mais je

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