C'était de Gaulle - Tome II
volumineuse suivant les circonstances, mais qui persiste. Et puis c'est tout. Il n'y a rien d'autre. Alors le reste, ce sont les Français, un public qui n'a aucune espèce de raison de se soulever et qui souhaite que ça continue.
AP. — À chaque consultation locale, nos candidats n'arrivent guère à percer, ça encourage l'opposition.
GdG. — Oui. Les vieux crabes ont des situations locales. Il faut du temps pour qu'un mouvement nouveau arrive à prendre racine.
AP. — Votre conférence de presse sera si ample, d'après vos indications, qu'on va se dire : "Ça signifie qu'il se retire et qu'avant de partir, il fixe la ligne."
GdG. — Quelques-uns diront ça. Les autres diront : "Il a posé les problèmes à si longue échéance qu'il doit rester pour les résoudre." (Rire.) On dira des choses contradictoires. Il faudra les laisser patauger. »
« La campagne, elle est perpétuellement ouverte »
Salon doré, 8 septembre 1965.
AP : « Votre conférence de presse, demain, sera interprétée comme le commencement de la campagne...
GdG. — La campagne, elle est perpétuellement ouverte. Nous avons fondé un nouveau régime, et dès le premier jour on l'a attaqué. Mais avec l'élection, il y aura tout de même une décision du pays. »
Salon doré, 15 septembre 1965.
AP : « Les journalistes s'excitent beaucoup sur une candidature Pinay.
GdG. — Il n'y aura pas de candidature Pinay. (Il est épanoui.) Tout ça, c'est inconsistant. Il leur a dit, à tous ces fumistes : " Apportez-moi 8 millions de voix, alors je peux considérer la question." Mais où les prendrait-il ? C'est bien tard.
AP. — Il y a ceux qui se souviennent de la stabilisation du franc en 52, et ceux qui lui attribuent le mérite de la stabilisation de 59.
GdG. — Pour 59, personne ne sera dupe, vous savez. Quant à 52, sa stabilisation, elle a duré quelques mois. Il y avait une baisse générale des matières premières dans le monde, alors il y a eu un moment favorable, qui était en train de disparaître, c'est pour ça qu'il est parti. Il a pris prétexte d'une insolence des MRP. Il a dit : "Eh bien, puisque c'est comme ça, je m'en vais." Il n'a jamais eu le culot d'augmenter les impôts ni de bloquer les prix. Il voulait sauver sa légende, pour plus tard. Mais personne ne s'y trompera.
« Defferre, lui, en aurait attrapé, des voix. Il a de la gueule. Il a un certain culot. Il s'était présenté tout de suite, en disant : "Je me battrai, je me présente contre de Gaulle." Ça avait de l'allure. Il faisait du gaullisme contre de Gaulle.
« Mitterrand, le Rastignac de la Nièvre ? »
AP. — Il y a encore Mitterrand qui pourrait se présenter. »
Au nom de Mitterrand, le Général éclate franchement de rire : « Le Rastignac de la Nièvre ? Léon Noël, qui était mon délégué pour le RPF dans ce département, m'a raconté que Mitterrand, lorsde sa première campagne, en 46, se mettait au premier rang de la cathédrale de Nevers, à genoux sur un prie-Dieu, la tête dans les mains. L'évêque disait à Léon Noël, en joignant ses doigts avec extase : "Comme il est bien, ce Mitterrand, c'est tout à fait ce qu'il nous faut." (Rire.)
A.P. — Vous l'avez rencontré vous-même ?
GdG. — Il est venu me voir à Alger dans l'hiver 43-44. Il a mis du temps à me parvenir. Il avait travaillé pour Vichy avec tant de zèle que ça lui avait valu la francisque. Il était entré dans ce corps d'élite. Voyant que ça allait tourner mal, il a voulu se dédouaner en entrant dans un réseau. Il est arrivé à Londres. Il est allé trouver d'abord les Anglais et les Américains, qui n'ont pas été très chauds pour l'accueillir, puisqu'ils voyaient qu'il mangeait à tous les râteliers. À la fin des fins, Passy 4 l'a vu, l'a cuisiné, l'a expédié sur Alger, me l'a fait recevoir avec une fiche le présentant comme un personnage douteux. Mitterrand m'a demandé de lui confier la direction d'un réseau Charette, qui marchait très bien sans lui. Je n'avais pas envie de risquer de mettre un agent double dans un mouvement de résistance. Je lui ai donc proposé de se battre, soit dans le corps expéditionnaire en Italie, soit comme parachutiste dans le corps qui serait le premier à prendre pied en France. Il a refusé les deux propositions. Je l'ai congédié : "Nous n'avons plus rien à nous dire."
« Eh bien si, nous avions encore à nous dire ! Il s'était arrangé pour prendre la tête d'un "mouvement national des
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