C'était de Gaulle - Tome II
pourtant, comment ne pas voir que toute sa force intérieure le pousse à continuer de servir — si Dieu le veut, et lui seul ; car, des Français, le Général n'a jamais douté.
1 Charles de Gaulle est né le 22 novembre 1890.
2 À l'Assemblée nationale, le 24 avril 1964, un vif débat a opposé le Premier ministre et François Mitterrand, sur le rôle du Président de la République comme chef des armées et sur le rapport constitutionnel entre le Président et le gouvernement.
3 « Guillotine sèche » : à défaut pour l'opposition de censurer le gouvernement, le texte, sans avoir été voté, est considéré comme adopté.
4 Autre « guillotine sèche » : le gouvernement fait voter sur un texte unique, avec les amendements qu'il accepte, à l'exclusion de tout autre amendement.
Chapitre 8
« LE VRAI SUJET DE L'ÉLECTION PRÉSIDENTIELLE, C'EST L'INDÉPENDANCE »
Au Conseil du 10 février 1965, Giscard a su éveiller l'intérêt du Général par une communication sur la politique d'indépendance de la Roumanie, qui se concluait sur la « stature » et le « prestige » du Président français 1 .
Le lendemain matin 11 février, dans son bureau, Pompidou, mordant, me fait remarquer que Giscard a terminé son exposé comme l'aurait fait un vieux militant du RPF. « Il se projette dans le second septennat du Général. Il pousse son affaire. »
Le Général, quant à lui, a prolongé après le Conseil la communication de Giscard en projetant une visite d'État en Roumanie et une autre en Pologne, pour « aider à bouger » ces démocraties populaires.
Ce n'est pas la première fois qu'il se trahit. C'est la première qu'il le fait aussi clairement : comment monter de tels voyages, alors qu'ils ne sont pas encore programmés, avant novembre, où la campagne présidentielle battra son plein ?
Pourtant, j'ai la surprise, dans les semaines qui suivent, de voir une bonne moitié de mes collègues s'ouvrir de leur certitude que le Général se retirera en fin d'année.
« Si ce n'est pas moi, ce sera les partis »
Salon doré, 17 février 1965. Je reparle de la probabilité du retrait de Defferre.
GdG : « Ça n'a aucune importance. Ils en mettront un autre qui n'aura pas plus de poids. Lecanuet ne pourra pas se passer de se présenter, mais il n'aura guère de voix. Ils essaieront plutôt une diversion, ils mettront un type qui n'a pas de qualification politique déterminée, un Louis Armand quelconque 2 , voyez-vous. Ça ne gênera pas les états-majors. Un personnage pareil pourrait coaliser les mécontents.
GdG. — Oui. Il tâchera de faire le cartel des non, mais ça nesuffira pas, le pays ne connaît pas Louis Armand, ça ne lui dit rien. "Louis Armand, kekséksa ?" Ça n'entraîne pas.
AP. — Si c'est vous, en face. Mais si ce n'est pas vous...
GdG. — Ah mais si c'est pas moi, ça sera pas Louis Armand, ce sera les partis. Ils ne mettront Louis Armand que contre moi, parce qu'ils ne voudront pas avoir l'air de dire : "Nous sommes la IV e contre le Général."
AP. — D'après un sondage de l'Institut français d'opinion publique, les gens qui vous sont favorables sont passés à 64 %, chiffre que vous n'aviez pas atteint depuis la guerre d'Algérie.
GdG. — Vous savez, ça ne signifie pas grand-chose. Naturellement, si c'était 30 ou 40 %, ça finirait par être embêtant.
AP. — Il y a eu une chute au moment de l'affaire des mineurs, votre cote était tombée à 40 %.
GdG. — Oui, sur le moment. Ça n'empêchera pas que, le moment venu, lorsque de Gaulle dira : "Voulez-vous de moi, ou n'en voulez-vous pas ?", toutes ces péripéties ne compteront plus. »
« Puisque le Premier ministre n'est pas là »
Au Conseil du 7 avril 1965, Giscard fait une communication sur la préparation du budget de 1966 — celui qui réglera la vie de l'État, dont personne, autour de notre tapis vert, ne sait qui sera le chef.
Le Général interdit tout débat : « Nous n'irons pas plus avant, puisque le Premier ministre n'est pas là et qu'il joue un rôle capital dans la préparation et l'établissement du budget. »
Pompidou est alité à la suite d'une grippe. Jacquet me dit à l'oreille : « Georges est plus gravement malade qu'on ne dit. Un Premier ministre ne se couche pas parce qu'il a la grippe. On pensait qu'il remplacerait le Général. Mais c'est peut-être le Général qui va pourvoir à son remplacement. »
J'ai noté cette observation, sans y prêter davantage attention. Je la
Weitere Kostenlose Bücher