C'était de Gaulle - Tome II
prisonniers" et pour se faire nommer secrétaire général du ministère des Anciens combattants et Prisonniers.
AP. — Il dit qu'il a été ministre dans le gouvernement de la Libération.
GdG. — C'est faux ! Un mensonge de plus ! C'est un imposteur ! Il a été nommé secrétaire général à titre intérimaire. Le ministre, c'était Henri Frénay. Mitterrand a essayé de le faire sauter en lançant son mouvement contre lui. Vous imaginez ! Le plus haut gradé du ministère prenant la tête d'une rébellion contre son propre ministre ! Il a organisé des manifestations, qui se massaient devant le ministère en hurlant : "Frénay au poteau!" (Rire. Le Général avale sa salive avec un petit sifflement.) Je l'ai convoqué au ministère de la Guerre. Il est arrivé avec deux acolytes. Il m'a prétendu que les prisonniers avaient bien raison d'être en colère. Je lui ai dit : "De deux choses l'une. Ou bien, vous ne pouvez rien pour empêcher ces désordres bien que votre mouvement les ait provoqués, et vous me remettez votre démission. Ou bien, vous êtes le chef et vous me signez l'engagement de faire cesser tout ça aujourd'hui même. Sinon, je vous fais mettre en état d'arrestation à la sortie de ce bureau." Il a demandé à se concerter avec ses deux acolytes dansl'encoignure de la fenêtre. Je lui ai donné trois minutes pour se décider. Je lui ai dicté la formule. Il a obtempéré 5 .
AP. — Si vous avez gardé ce document dans vos archives, vous devriez le publier !
GdG. — J'y avais pensé dans le temps, mais ce n'était pas possible de le publier, il y avait deux fautes d'orthographe. (Gros rire. Il met quelques secondes avant de se reprendre.) Eh bien, Mitterrand, il aurait des voix. Il aura les voix socialistes s'il n'y a pas de candidat socialiste. Il aura les voix communistes. Il aura quelques voix radicales, mais c'est pas grand-chose. Ce sera comme le cartel des non en 62. »
1 Pour éviter toute fausse manœuvre de mon entourage, je préviens ce jour-là, sous le sceau du secret, mes trois plus proches collaborateurs, J.J. de Bresson, J. Leprette et A. de La Loyère, de ma certitude que le Général se présentera. Ils respecteront le secret, autant que moi-même, jusqu'au 4 novembre.
2 Il donne instruction à Charles Orengo, patron de Plon, de tirer en quelques jours, dès que la décision du Général sera connue, deux à trois millions de livres de poche de la biographie que lui a consacrée Bromberger, de manière à le faire mieux connaître des Français.
3 Pierre Poujade, le héraut du « poujadisme », dont les élections législatives de 1956 marquèrent le plus haut période.
4 Le colonel Passy, chef du BCRA (Bureau central de renseignements et d'action).
5 Le général de Gaulle a raconté cette scène à la fin des Mémoires de guerre, au chapitre « Désunion », mais sans dire de qui il s'agissait.
Chapitre 10
« MITTERRAND ? IL N'A ABSOLUMENT RIEN POUR LUI QUE DE L'AMBITION »
Salon doré, 22 septembre 1965.
Le « Rastignac de la Nièvre » a annoncé sa candidature. Le Général en parle avec moins de désinvolture, mais sans plus d'inquiétude :
AP : « La candidature Mitterrand vous paraît dangereuse ? GdG. — Il va regarder du côté des communistes, tout en ayant l'air d'entrer dans le jeu des socialistes.
AP. — Vous croyez que les communistes ne vont pas présenter de candidat ?
GdG. — Mais non, ils ne vont pas en présenter ! Pas si bêtes. Ils auraient peur de faire la preuve qu'ils n'ont pas beaucoup de voix.
AP. — Seulement, Mitterrand ne peut pas à la fois solliciter les voix communistes et vous attaquer parce que vous ne seriez pas assez atlantique ni européen à son goût.
GdG. — Il ne peut rien dire de cohérent. Ça n'a ni tête ni queue. Il se déclare à la fois pour l'OTAN, pour la supranationalité, pour l'intégration, et pour les communistes qui combattent l'OTAN, la supranationalité et l'intégration.
AP. — Il a rencontré Pinay la semaine dernière.
GdG. — Ça n'a aucune importance. Mitterrand, c'est le type du politichien. Il n'a absolument rien pour lui que de l'ambition, le désir de prendre la place le jour où il le pourrait.
AP. — Finalement, pour nous, vous pensez que c'est meilleur que si ç'avait été Defferre ?
GdG. — Ah oui ! Defferre avait une certaine sincérité, une certaine surface, il suscitait une certaine estime, que Mitterrand ne suscite pas du tout. Mitterrand n'est pas aimé. Et puis, il a
Weitere Kostenlose Bücher