C'était de Gaulle - Tome II
lâche enfin : « Je parlerai au pays probablement le 4 novembre, mais ne le dites pas encore. »
« Je parlerai au pays »
À la fin du Conseil du 27 octobre 1965, le Général, négligemment : « Je parlerai au pays la semaine prochaine sur la question de l'élection présidentielle. »
Une émotion se peint sur les visages — sauf ceux qui sont habitués à garder une maîtrise absolue de leur physionomie, comme Pompidou, Couve, Messmer, Giscard. À la sortie, dès qu'il s'est éclipsé, mes collègues s'interrogent avec volubilité et interrogent Pompidou, qui reste un sphinx. Une grosse moitié pensent qu'il ne se présentera pas et que Pompidou, seul au courant, se prépare en secret.
Couve ne croit toujours pas perdre le pari que nous avons fait à Chartres, mais reconnaît que, plus le temps passe, plus le silence du Général sur ses intentions est « désobligeant pour Pompidou ».
Pisani disserte, sans l'ombre d'une hésitation : « Comment pouvez-vous poser la question ? C'est évident ! Il s'est jusqu'à maintenant tiré miraculeusement d'affaire, malgré toutes les embûches qu'il a rencontrées. Les miracles ne durent pas toute la vie. Un nouveau septennat ne rajouterait rien à sa gloire et pourrait lui en retirer beaucoup. »
Salon doré, après le Conseil.
AP : « Plon souhaite publier un livre de poche sur vous, avec des photos commentées par Georges Cattaui et Jean Mauriac.
GdG. — Il ne faut pas prendre ce moyen à notre compte ! Je ne m'en mêle pas. J'appartiens à tout le monde, tout le monde peut écrire sur moi ce qu'il veut. Je n'empêche personne.
AP. — Match voudrait faire un numéro spécial sur vous, unreportage-photos, et prendre une photo inédite de vous dans ce bureau.
GdG. — Non ! Si je laisse Match prendre une photo de moi à mon bureau, ça veut dire que je prends à mon compte ce que Match va raconter sur le général de Gaulle. Or, je ne le veux à aucun prix. Ils ont des photos. Qu'ils les sortent. Rien ne les en empêche. Mais je ne vais pas introduire Match dans mon bureau, on s'arrangerait pour raconter que ça a été voulu et organisé par moi.
« Notre force, c'est de ne pas être sur le même plan »
AP. — Si les autres candidats se voient offrir des moyens semblables, ils ne les refuseront pas.
GdG. — Je ne suis pas sur le même plan qu'eux. Précisément, notre force, c'est de ne pas être sur le même plan. »
Il n'est pas sur le même plan, soit. Mais il me donne un peu l'impression de planer. Et sur les plans inférieurs, il se passe beaucoup de choses. J'essaie de l'alerter :
AP : « Je crois que la masse des paysans ont peur, parce qu'on leur raconte que vous voulez casser le Marché commun. J'ai l'impression que c'est le point qui va faire difficulté.
GdG. — Je n'y peux rien. Je ne vais pas saboter nos efforts pour imposer le Marché commun agricole contre l'unanimité de nos cinq partenaires, parce qu'il y a des paysans qui ne comprennent rien, ou parce que leurs dirigeants ne veulent rien comprendre. D'ailleurs, on voit bien, si on est de bonne foi, qu'en réalité, c'est nous qui tenons les cartes ! C'est clair comme la lumière du jour.
AP. — Clair pour vous, pour nous, mais au fond des campagnes ?
GdG. — Si. Si, au fond des campagnes aussi.
AP. — L'intoxication de l'opposition finit par jouer. Et nous allons encore subir vingt heures de Tixier-Vignancour, de Lecanuet, de Mitterrand et autres, qui vont taper sur le clou.
GdG. — Croyez-moi, ça ne leur fera aucun bien ! »
Sa confiance, en lui et dans les Français, est inaccessible au doute.
1 Il en obtiendra plus de sept millions et demi.
2 Éditorialiste à Paris-Jour.
3 Cf. tome I, p. 99.
4 Qui va présider la commission de contrôle.
Chapitre 11
« MAIS CETTE FOIS, SANS RECOURS POSSIBLE »
Après le Conseil du 27 octobre 1965.
Pompidou m'accompagne jusqu'au bureau du Général. Comme c'est inhabituel, il m'explique, chemin faisant : « Il m'a demandé de venir pour fixer la date de son allocution.
AP. — Jeudi 4, c'est la Saint-Charles. Ça ferait rigoler.
Pompidou. — Il doit le savoir mieux que nous.
AP. — Pourquoi pas mercredi ?
Pompidou. — Il y a Conseil le mercredi matin et il ne veut pas en parler aux ministres, parce qu'il ne veut pas que ça sorte dans l'après-midi. »
Le Général nous fait asseoir : « Alors, Monsieur le ministre de l'Information (c'est ainsi qu'il m'appelle dès qu'il y a un tiers), vous pouvez annoncer que je
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