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C'était de Gaulle - Tome II

C'était de Gaulle - Tome II

Titel: C'était de Gaulle - Tome II Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Alain Peyrefitte
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m'adresserai à la nation, je pense jeudi, à 20 heures.
    Pompidou. — M. Peyrefitte me faisait observer que c'était la Saint-Charles.
    GdG. — Bah, c'est la Saint-Charles ? J'y peux rien. Ça tombe comme ça. (Mais il réfléchit : manifestement, il n'avait pas vu cette coïncidence.) Que faire ? Mercredi, c'est pas commode, il y a le Conseil des ministres.
    AP. — Vous pouvez n'enregistrer qu'à 19 heures...

    « Je ne dirai pas aux ministres ce que je vais dire à la Nation »
    GdG (me coupant). — C'est pas pour ça. C'est parce que, au cours du Conseil des ministres, je ne dirai pas aux ministres ce que je vais dire à la Nation. Je ne le leur dirai pas, pour autant qu'ils ne s'en doutent pas. Je dois mettre tous les Français sur le même pied : c'est eux, le souverain. S'il y a Conseil des ministres le matin et que je parle à la nation le soir sans leur avoir rien dit, ils pourront peut-être se sentir désobligés. (Explication fort différente de celle de Pompidou.)
    AP. — Et vendredi ?
    GdG. — Vendredi, ça devient tard.
    AP. — Pourquoi pas déplacer le Conseil au lendemain ?
    GdG. — Ce n'est pas très convenable. Ça aurait l'air de dire : "Je ne veux pas leur en parler." Ce serait pas chic.
    Pompidou. — Moi, je pense que le jeudi, la Saint-Charles, après tout, c'est un détail. Personne n'y pensera, sauf Le Canard enchaîné, et ce sera pour le mercredi suivant.
    GdG. — Bien. Entendu. Merci, Monsieur le Premier ministre. »
    Il raccompagne Pompidou. La situation est surréaliste. Pompidou est persuadé que le Général prend toutes ces précautions pour annoncer qu'il se retire et pour recommander aux Français de voter Pompidou. Et le Général est persuadé que les ministres, dont le Premier, ont bien compris qu'il se représentait.
    Nous restons seuls au Salon doré. Nous mettons au point les détails techniques pour qu'il n'y ait pas de fuites : « Je ne veux pas que les gens achètent France-Soir dans l'après-midi, titrant : "Le Général va dire..." »

    « Les Cinq viennent à Canossa, mais ils vont essayer que ça ne se voie pas »
    Il revient alors sur la crise du Marché commun, qui a occupé l'essentiel du Conseil :
    GdG : « Il ne faut rien dire sur la réunion des Cinq à Bruxelles. Car nous la désapprouvons, par principe. Nous ne pouvons pas empêcher cinq gouvernements de se réunir, mais nous considérons que ça n'a aucune valeur organique. En réalité, ils viennent à Canossa, mais ils vont essayer que ça ne se voie pas. Ils vont essayer de nous emberlificoter, de remélanger tout.
    AP. — Et d'obtenir que la prochaine réunion à six ait lieu à Bruxelles.
    GdG. — Oui. Ça, c'est entre nous. Je ne veux pas qu'elle ait lieu à Bruxelles. Ça créerait une équivoque. Les Italiens vont nous proposer Venise ; si on attend janvier, ce sera Luxembourg. Nous y serons tout de suite favorables. Mais il ne faut pas en parler encore.
    AP. — Vous ne voulez pas que les membres de la Commission se trouvent dans les couloirs, comme hier pour la réunion des Cinq à Bruxelles ?
    GdG. — Évidemment. Tous mes ennemis sont navrés, n'est-ce pas ? (Il garde le vocabulaire guerrier, même dans la vie civile.) Vous avez vu les journaux de ce matin ? Vous avez vu Massip dans Le Figaro ? Combat est désolé. Ce sont des gens qui depuis toujours ont excité les étrangers contre la France. »

    « Sinon, la République s'écroulera »
    Au Conseil du 3 novembre 1965, juste avant de lever la séance, le Général laisse tomber :
    « Je parlerai demain à la Radio-Télévision. Je m'excuse de nepas vous dire ce que je vais dire à la nation — dans la mesure, du moins, où vous ne vous en doutez pas... C'est une question de conscience. Je garde ma décision pour moi-même, jusqu'au moment où j'en parlerai à la nation tout entière. »

    Après le Conseil.
    GdG : « Dites bien que le général de Gaulle a confirmé qu'il s'adresserait demain à la nation et qu'il n'a pas révélé aux ministres ce qu'il dirait à celle-ci. »
    Si olympien qu'il soit, il ne néglige pas les détails d'exécution : « J'enregistrerai demain à 18 heures. Vous prenez vos précautions auprès de la Radio-Télévision pour que personne dans Paris ne puisse communiquer à l'extérieur le son ou même le sens de ma déclaration. »
    Je peux le rassurer. Toutes les dispositions ont été prises. Les persiennes du rez-de-chaussée de l'Élysée seront closes, pour que nul ne puisse, en levant ou en

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