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C'était de Gaulle - Tome II

C'était de Gaulle - Tome II

Titel: C'était de Gaulle - Tome II Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Alain Peyrefitte
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nerfs, ne cache pas son indignation, comment va réagir la « classe jacassante » ?

    Pisani : « Françaises, Français ... »
    Tard le soir, Pierre Lazareff m'appelle chez moi, hilare. Il pouffe à chaque phrase. En compagnie de Desgraupes et Dumayet, il était en train d'enregistrer à Cognacq-Jay un entretien avec Pisani pour « Cinq colonnes à la une » sur la crise du Marché commun agricole, quand il propose à Pisani une interruption, pour qu'ils puissent, ensemble, regarder l'allocution du Général. Pisani refuse : « Absolument inutile de s'interrompre, maintenant que nous sommes lancés. Je sais par cœur ce que de Gaulle va nous dire, je peux vous le réciter.
    — Eh bien, récitez-le-nous. »
    Pisani singe le Général : « Françaises, Français, après vingt-cinq ans passés au service du pays dans les circonstances les plus extrêmes, j'estime qu'il est temps pour moi de me retirer. La France a été remise sur ses rails, elle s'est tirée des pièges où l'avait fait tomber l'impéritie du régime défunt.
    « Aujourd'hui, je vous demande de voter pour celui qui est le mieux à même, par sa solidité, par son intelligence, par sa capacité, par sa connaissance des dossiers, de mener à bien la tâche que j'ai entreprise et où il m'a si efficacement secondé. Je vous demande donc, le mois prochain, de reporter sur Georges Pompidou la confiance que vous n'avez jamais cessé de me témoigner. Fermez le ban ! »
    « Nous disons à Pisani que nous sommes convaincus par son talent d'imitation, mais pas tout à fait par son texte. Depuis, nous n'avons pas cessé de rire. Quant à Pisani, il était suffoqué. »
    « Pierrot » se calme et prend un ton grave : « C'est Georges qui doit être malheureux. Il y croyait tellement ! Et de Gaulle non seulement n'a pas eu un mot pour lui, mais déclare que s'il ne s'était pas présenté, tout s'écroulait (toujours cette interprétation perverse). Georges va être submergé par le chagrin. Je l'ai appelé avant vous à Matignon, mais il était en route. Je l'appelle maintenant chez lui. »

    Pompidou : « Tout cela n'atteindra pas le Général ni moi »
    Matignon, vendredi matin 5 novembre 1965.
    Guichard m'apprend, en attendant que Pompidou nous rejoigne, que celui-ci a été prévenu hier à midi par le Général; qu'il est revenu de l'Elysée impassible, et n'a rien dit avant l'allocution du Général.
    Pompidou arrive, aussi serein et souriant qu'à l'ordinaire. La presse est mauvaise et les réactions de l'opposition féroces. Defferre a eu un mot terrible pour résumer l'allocution : « Moi oule chaos » — sur lequel titrent beaucoup de journaux. Pompidou traite ces réactions par le dédain : « Tout cela n'atteindra pas le Général. » Il ajoute : « Ni moi. »
    Je me suis souvent demandé, depuis, pourquoi le Général n'avait pas mis Pompidou dans sa confidence — ne fût-ce que quelques semaines à l'avance. A-t-il pensé que ce n'était pas nécessaire et que, comme moi, Pompidou avait compris, en le voyant agir si uniment, si constamment, comme si le même Président devait continuer de tenir la barre ? Ou bien, informé des préparatifs qui se faisaient à Matignon, a-t-il craint que, Pompidou prévenu, celui-ci aurait, d'une façon ou d'une autre, calmé l'entrain de ses fidèles ? La mise en sommeil de l'équipe de Matignon ne serait pas passée inaperçue et, de proche en proche, le secret, sans avoir besoin d'être trahi, aurait pu être éventé.

Chapitre 12
    « LES FRANÇAIS N'ONT PAS BESOIN QUE JE LEUR PARLE DE MOI »
    Palais-Bourbon, 16 novembre 1965.
    Il se murmurait depuis l'an dernier que, le 30 mars 1964, le Général avait invité à dîner Malraux, Palewski, Pompidou, Debré, avec Galichon comme témoin. Dans quelle mesure cette conversation a-t-elle pesé sur sa décision ? Depuis, ils étaient tous restés muets, comme il se doit.
    Après la déclaration de candidature du Général, Michel Debré se croit sans doute délié de l'obligation de secret. Il me lâche, dans l'encoignure de la fenêtre de la Salle de bronze :
    « Palewski et moi, nous sommes allés à fond dans le sens de la candidature du Général. Pompidou prenait une attitude très nuancée. Ce qui signifie qu'il était d'avis contraire sans oser le dire.
    « Mais il avait circonvenu Malraux qui, contrairement à ce qu'on a dit et à ce qu'on croit, a parlé pour le retrait, mais à mots couverts. Il était clair que Pompidou avait fait son siège et qu'ils

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