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C'était de Gaulle - Tome II

C'était de Gaulle - Tome II

Titel: C'était de Gaulle - Tome II Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Alain Peyrefitte
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soient obligées d'assumer leurs responsabilités. »

    « Bull, c'est vraiment une entreprise française ? »
    Conseil du mardi 18 février 1964.
    Le Général, méfiant, se tourne vers Giscard : « Bull, c'est vraiment une entreprise française, avec ce nom ?
    Giscard (incollable). — Bull était un ingénieur norvégien qui a vendu son brevet à une entreprise française. Cette société est venue demander au Crédit national un crédit de 45 millions. Dans une firme fabriquant des machines pour connaître à tout instant les comptes au centime près, on avait laissé se créer une situation financière désespérée, sans que personne s'en fût aperçu.
    « La General Electric propose d'apporter de l'argent frais contre une participation de 20 % au capital. Nous avons décidé de ne pas autoriser cette prise de capital. Nous allons constituer une solution française. Non sans mal. Les compagnies voisines, qui sont jalouses de leurs prérogatives, ne voient pas l'importance de l'enjeu. Le nouveau groupe apporte 70 millions et détiendra deux tiers des parts, les anciens ne disposant que d'un tiers. L'aide de l'État se fera sous forme de passations de marchés.
    Pompidou. — Les capacités financières et techniques des grandes sociétés américaines sont telles, qu'il n'y a guère de sociétés françaises, voire européennes, dans l'aéronautique, l'électronique, l'informatique, l'automobile, qui soient en mesure de résister à leur puissance, par absorption ou par achat, si les gouvernements ne se mettent pas en travers. Des entreprises familiales, incapables de soutenir le rythme, ne suivent pas l'avance technique et ferment les yeux devant le trou qui se creuse.
    « Il faut donc sauver cette entreprise, mais en lui gardant son caractère privé. Si nous la nationalisions, elle vivoterait aux crochets de l'État. Seule l'Europe formera un marché suffisant. Il ne faut pas s'imaginer pouvoir tenir, face aux colosses américains, avec un petit marché intérieur.
    GdG. — Tout cela est bien préoccupant. C'était fâcheux que Bull soit menacé. Il s'agit d'une entreprise française de pointe, qui n'est quand même pas mal dans sa partie technique. (La foi du Général dans le génie français est émouvante.) Si General Electric entrait dans le capital, ce serait le loup dans la bergerie. Mais si on s'allie avec un partenaire européen, il ne faut pas tomber sous sa coupe. Ce ne serait qu'une autre façon de tomber sous celle des Américains. »
    Pompidou me fait passer un billet : « Pas un mot sur Bull. On n'en a pas parlé. »

    « Sans indépendance économique, il n'y a plus d'indépendance tout court »
    Conseil du 18 novembre 1964.
    Giscard et Pompidou présentent au Conseil un projet de loi sur le vote plural. Il s'agit de protéger les entreprises françaises contre des immixtions étrangères, en accordant plusieurs voix à des actions qui sont restées depuis dix ans attachées à la même société.
    GdG (visiblement fort satisfait) : « C'est un gros coup. Comment croyez-vous que cela va passer à l'Assemblée ?
    Pompidou. — Ça passera sans difficulté. »

    Après le Conseil, le Général me commente ce texte : « Vous pouvez dire que cette disposition va permettre d'éviter que descapitaux américains ne viennent sauvagement faire basculer le pouvoir dans une société française. Vous savez, sans indépendance économique, il n'y a plus d'indépendance tout court. »

    « Nous payons les Américains pour qu'ils nous achètent »
    Un an plus tard, au Conseil du 20 octobre 1965, le sujet revient, à l'occasion d'une communication de Maurice-Bokanowski 2 .
    Bokanowski : « L'Allemagne, où les entreprises sont plus concentrées, poursuit la modernisation de son équipement à un rythme accéléré, et les moyens de nos deux pays s'écartent de plus en plus. Chez nous, les concentrations sont très difficiles, elles posent des problèmes de personnes insurmontables.
    GdG. — Nous devons nous armer pour amener, et au besoin pour contraindre, notre industrie à la concentration. Le mouvement général y pousse, mais je ne crois pas que ce soit suffisant.
    « Nous ne sommes pas armés non plus pour lutter contre l'invasion américaine. Compte tenu de l'énormité américaine, nous ne pourrons tenir le coup que si nous sommes armés pour lutter. Je vous demande d'y réfléchir très sérieusement. C'est primordial. Comment ferons-nous pour empêcher que nous soyons submergés par un monstre

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