C'était de Gaulle - Tome II
ce qu'il faudrait, c'est une évolution progressive et concertée, qui devrait permettre un meilleur ajustement du système mondial des paiements aux besoins réels. En attendant, il faudrait mettre sur pied une surveillance multilatérale des politiques monétaires nationales. »
Où l'on voit que le Général n'a pas la religion de la « souveraineté monétaire » des États. Il sait qu'ils ne l'utilisent que trop pour manipuler la monnaie. L'or fait la police. Il est extrapolitique.
« La livre est à bout de souffle, les Anglais aussi »
Salon doré, 23 décembre 1964.
Le Général m'annonce qu'il compte tenir une conférence de presse en février prochain.
AP : « Quels thèmes comptez-vous développer ?
GdG. — En particulier, la question monétaire internationale.
(Ainsi, il aura attendu un an et demi avant de "bousculer le pot de fleurs".)
AP. — D'ici là, le sterling risque d'être dévalué ?
GdG. — Oh ! Les Anglais tiendront bien cahin-caha jusque-là, et même au-delà. Le Trésor américain leur a donné assez de dollars pour ça. Mais ça va très mal. La livre est à bout de souffle, les Anglais aussi. Ils peuvent, comme les faibles, essayer d'abord unedévaluation masquée, vous savez, à la manière de Félix Gaillard. Ils feront 10 %, 15 %, camouflés en prélèvements sur les importations et en détaxes sur les exportations. Et puis, ça ne suffira pas 3 .
AP. — Si le dollar suivait le sterling, nous serions obligés d'en faire autant nous-mêmes...
GdG. — Je ne sais pas encore. Cela dépendra des conditions. Les Anglais ont en caisse quatre milliards de dollars. Nous n'avons qu'un milliard trois cents millions de dollars en billets verts. Nous avons converti en or tout le reste, quatre milliards de dollars. Évidemment, si tous les avoirs étrangers en dollars voulaient être convertis en or, ça mettrait à sec les réserves d'or américaines, ça démontrerait que le dollar n'est plus la monnaie de réserve qu'il prétend être. Seulement, si le dollar est dévalué, nos prix deviendraient tout de suite trop chers par rapport aux prix américains. Alors, pour nos exportations, ça deviendrait difficile. »
« Nous ne sommes pas assez riches pour nous ruiner »
Salon doré, 3 février 1965.
AP : « Annoncerez-vous des choses importantes, demain, dans votre conférence de presse sur le système monétaire international ?
GdG. — Je dirai que le Gold Exchange Standard est devenu caduc.
AP. — C'est un vœu pieux ?
GdG. — Ce n'est pas un vœu ! C'est ce qu'il faut faire. J'indiquerai que le Gold Exchange Standard ne repose plus sur les mêmes bases qu'autrefois et que, par conséquent, il faut un changement.
AP. — Nous ne pouvons pas le changer à nous tout seuls ?
GdG. — Le fait que nous le condamnons justifie à lui tout seul que nous ne voulions plus des dollars, mais de l'or. On nous imitera. Il suffit que nous le répétions pendant suffisamment de temps pour qu'à la longue, le Gold Exchange Standard s'effondre. Mais il vaudrait mieux qu'il fût délibérément supprimé par une négociation.
AP. — Les Américains, accessoirement les Anglais, vont prendre ça pour une agression.
GdG. — Nous ne considérons plus le dollar comme de l'or, puisque maintenant nous échangeons systématiquement nos dollars contre de l'or... Un tas d'entreprises mondiales sont expropriées au profit des Américains, avec des capitaux qu'ils se procurent par leur inflation... Ils réagiront, mais ça n'a pas beaucoup d'importance.
AP. — On dit que la France refuserait de participer au prochain relèvement des participations du Fonds monétaire international.
GdG. — Parfaitement ! Nous avons déjà énormément de participations internationales. Tout ça pour soutenir une livre qui, en définitive, ne sera pas sauvée, et un dollar qui commence à être ébranlé. Ça suffit comme ça ! Nous ne sommes pas favorables à l'augmentation des quotas. On les a déjà augmentés ! Nous ne sommes pas assez riches pour nous ruiner.
AP. — Ça va nous faire quelques mois agités.
GdG. — Les Américains n'ont qu'à faire ce qu'ils doivent faire pour redresser leur balance des paiements. »
Salle des fêtes de l'Élysée, 4 février 1965.
Conférence de presse des grands jours. Les journalistes sont partagés entre l'éblouissement de cette leçon magistrale, la stupeur de voir ce militaire se lancer dans un sujet technique dont il devrait tout ignorer, et l'ironie de le
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