C'était de Gaulle - Tome II
latino-américaines viennent, en avril 1965, d'assurer la victoire à Saint-Domingue du général Imbert contre les partisans du Président Bosch.
7 Expression familière du Général : essuyer une défaite.
8 Les forces expéditionnaires américaines au Vietnam atteindront 580 000 hommes en décembre 1968.
Chapitre 12
«L'IMPÉRIALISME AMÉRICAIN LE PLUS INSIDIEUX EST CELUI DU DOLLAR»
Salon doré, 27 février 1963.
GdG : « L'impérialisme américain, aucun domaine ne lui échappe. Il prend toutes les formes, mais la plus insidieuse est celle du dollar.
« Les États-Unis ne sont pas fichus d'avoir un budget en équilibre. Ils se permettent d'avoir des dettes énormes. Comme le dollar est partout la monnaie de référence, ils peuvent faire supporter par les autres les effets de leur mauvaise gestion. Ils exportent leur inflation dans le monde entier. C'est inacceptable. Ça ne doit pas durer.
AP. — Ça ne doit pas, ou ça ne peut pas ?
GdG. — Ça peut très bien durer ! Tout le monde se couche. Ça durera... tant que nous n'y mettrons pas le holà.
« Heureusement que nous avons empêché les Anglais d'entrer dans le Marché commun. Sinon, les investissements américains en Angleterre se seraient multipliés. Elle aurait été le point de passage des capitaux américains envahissant l'Europe. Et tant pis si notre économie passait sous la coupe des Américains. »
Curieux que le Général se lance ainsi dans une critique économico-financière qui ne lui est pas familière. Il est vrai qu'il ne lui faut pas longtemps pour assimiler une discipline nouvelle. En 1946, entre son départ du pouvoir et le discours de Bayeux, il avait, en quelques semaines, absorbé nombre de livres de droit constitutionnel et bâti pour notre pays une Constitution selon son cœur. Elle est la nôtre aujourd'hui. Voici que, plus âgé de dix-sept ans, il assimile les techniques de la finance mondiale et des relations économiques extérieures.
Il est vrai que Rueff doit être passé par là, relayé par les conseils de Burin et les éclaircissements de Lévêque 1 . Ce que ces deux derniers me confirment dans l'après-midi.
« L'invasion américaine se déroule comme le cours d'un fleuve »
Salon doré, 30 avril 1963.
GdG : « Les Américains sont engagés dans un processus de mainmise sur l'ensemble des circuits économiques, financiers, militaires, politiques dans le monde. C'est une invasion qui sedéroule comme le cours d'un fleuve. Les Américains le voudraient-ils, ils ne pourraient pas s'y opposer. D'ailleurs, il n'y a pas de risque qu'ils le veuillent. Qui dresse une digue ? Ce n'est pas le fleuve. Ce sont les hommes qui ont intérêt à se mettre à l'abri de l'inondation. Personne n'en a le courage. C'est donc à nous qu'incombe ce devoir. Vous verrez, on finira par suivre notre exemple, si nous le donnons avec éclat. »
Il se reprend : « Avec éclat, mais sans arrogance. Il faut ménager l'amitié.
AP. — Tant que vous serez là, cette ligne peut être suivie : contenir la poussée américaine, mais sans se fâcher. Seulement, votre successeur, quel qu'il soit, n'en aura pas la capacité.
GdG. — C'est pourquoi, là comme ailleurs, il faut créer l'irréversible. L'irréversible, pour les monnaies, ce serait l'étalon-or. Nous y sommes théoriquement, mais pratiquement nous lui tournons le dos. Le dollar a remplacé l'or. Si nous retournions à l'étalon-or, les monnaies seraient sur des rails. Ça supposerait que, chaque fois que nous avons des dollars, nous les convertissions en or, et que tout le monde en fasse autant. Les pressions politiques ne pourraient plus manipuler les monnaies, même si les gouvernements sont soumis aux pressions électorales ou sociales. Les autorités monétaires auraient les moyens d'empêcher les dérives.
(C'est du Rueff pur sucre, mais concentré et cristallin.)
« Tant que je serai là, j'obligerai le gouvernement à lutter contre le déficit et l'inflation, donc à tenir le franc. Quand je ne serai plus là, vous verrez, la facilité reprendra son cours. Mais le franc pourrait tenir s'il était rattaché à l'or comme les autres monnaies ; ça obligerait les gouvernements à être raisonnables, le gouvernement américain et tous les autres comme lui.
« L'élection populaire du Président n'est pas faite pour moi, mais pour qu'après moi, l'État et le pays aient une tête. De même, il faut créer une situation telle que les autorités politiques et monétaires
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